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En Russie, les partisans d’Alexeï Navalny bientôt exclus du scrutin aux élections législatives

Une sympathisante d’Alexeï Navalny, avec inscrit sur son visage les lettres FBK (Fondation anticorruption), devant le tribunal municipal de Moscou le 17 mai 2021, après le report de l’audience concernant les partisans de l’opposant russe. DIMITAR DILKOFF / AFP

Alors que les élections législatives russes doivent avoir lieu en septembre, les méthodes d’intimidation à l’encontre des partisans d’Alexeï Navalny s’intensifient. La Russie a fait un pas, mardi 18 mai, vers une exclusion du scrutin des partisans de l’opposant incarcéré, dont les organisations font face à une procédure pour « extrémisme ».

En première lecture mardi, les députés russes ont adopté une proposition de loi interdisant aux personnes impliquées dans des groupes catalogués comme tels de se présenter aux élections législatives. Un procès pour qualifier d’extrémistes la Fondation anticorruption (FBK) et les bureaux régionaux d’Alexeï Navalny a commencé lundi à Moscou.

Depuis le début de l’année, les autorités russes multiplient les offensives contre les activités de M. Navalny, dans la perspective des élections législatives de septembre. Le scrutin s’annonce délicat pour le parti au pouvoir Russie inie, impopulaire, avec un fond de lassitude des électeurs, de stagnation économique, de scandales de corruption, et cela malgré la popularité toujours réelle du président Vladimir Poutine.

Alexeï Navalny, inéligible depuis 2017, est lui-même incarcéré après avoir été condamné en février à deux ans et demi d’emprisonnement pour une affaire de fraude datant de 2014, largement considérée comme politique. Son arrestation était intervenue quelques mois après un empoisonnement, qui a failli le tuer, et dont il accuse le Kremlin.

Une « vacherie absolue »

Le texte voté mardi interdit à toute personne impliquée dans une organisation dite « extrémiste » d’être député. Rétroactif, il vise tout individu ayant occupé un poste à responsabilité dans une organisation jusqu’à cinq ans avant sa qualification d’« extrémiste », une durée ramenée à trois ans pour les simples militants ou sympathisants.

Si 293 députés ont voté en faveur du texte, 45 se sont opposés et le vote a été marqué par les critiques de certains députés du Parti communiste et de Russie juste, dont les positions sont généralement conformes aux volontés du Kremlin. « Tant de dispositions constitutionnelles sont violées [dans cette proposition de loi] que je ne sais même pas comment on peut en discuter et comment on peut voter pour », a dénoncé Valéri Gartoung, de Russie juste.

Un député du parti au pouvoir, Vassili Piskarev, a lui soutenu que le texte visait à contrer « des tentatives d’ingérence étrangère », qui « vont se multiplier avant les élections ». L’équipe d’Alexeï Navalny a, elle, dénoncé une « vacherie absolue ». « Des dizaines de milliers de personnes vont perdre d’un claquement de doigts leur droit d’éligibilité », a-t-elle affirmé sur Telegram, ajoutant n’avoir « aucun doute » sur le fait que cette interdiction s’étendra « prochainement » à des élections locales.

Pour entrer en vigueur, la loi doit encore être adoptée en deuxième et troisième lectures par la Douma, puis passer devant le Conseil de la Fédération, chambre haute du Parlement, des étapes qui sont généralement une formalité dans des institutions contrôlées par le Kremlin. La deuxième lecture est prévue le 25 mai.

Ces dernières années, Russie unie a connu plusieurs échecs lors de scrutins locaux et Alexeï Navalny comptait s’appuyer sur cette impopularité, en présentant ses candidats ou en incitant à voter pour le candidat le mieux placé face à celui du Kremlin.

Une trentaine de groupes qualifiés d’extrémistes

Mais le parquet a demandé mi-avril que plusieurs organisations liées à l’opposant soient déclarées « extrémistes », un qualificatif qui ferait encourir à ses collaborateurs de lourdes peines de prison. Selon le bureau du procureur, les organisations de Navalny cherchent à « déstabiliser la situation sociale et sociopolitique » en Russie « sous couvert de slogans libéraux ». La liste des organisations extrémistes tenue par le ministre russe de la justice comprend une trentaine de groupes, allant des Témoins de Jéhovah à des groupes néonazis ou djihadistes, comme l’Etat islamique.

Les bureaux régionaux de l’opposant de 44 ans ont déjà annoncé leur autodissolution le mois dernier après avoir été ajoutés à une autre liste d’organisations « extrémistes et terroristes », celle du service russe des renseignements financiers. Fondée en 2011 par l’avocat et militant, la FBK est connue pour ses enquêtes dénonçant la corruption des cercles du pouvoir russe. La plus retentissante, parue en janvier, accusait le président Vladimir Poutine de s’être fait construire un palais sur la mer Noire. Vue 116 millions de fois sur YouTube, elle avait contraint M. Poutine à démentir personnellement, chose rare.

Les bureaux régionaux d’Alexeï Navalny diffusent leurs propres enquêtes, mais organisent surtout les campagnes de « vote intelligent » consistant à inciter à soutenir le candidat ayant le plus de chances de battre celui du Kremlin, quelle que soit sa couleur politique.

Le Monde avec AFP

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