Le site du principal média indépendant de Biélorussie, Tut.by, a été bloqué, mardi 18 mai, par les autorités après une série de perquisitions, en pleine vague de répression après un mouvement de contestation sans précédent en 2020. Ce média, qui revendique jusqu’à vingt millions de visiteurs quotidiens uniques, a largement couvert en texte et en images les manifestations contre le président Alexandre Loukachenko de l’été et de l’automne dernier, puis la répression qui a suivi.
Le ministère de l’information biélorusse a rapporté avoir « limité l’accès » au site « du fait de multiples violations de la loi sur les médias, notamment du fait de la publication d’informations interdites ». Les comptes du média sur Facebook, Telegram et sur d’autres réseaux sociaux restent, eux, actifs.
Dans la matinée, la rédactrice en chef, Marina Zolotova, a fait état de perquisitions dans sa rédaction, chez elle et aux domiciles de journalistes par « des agents du département des enquêtes financières (DFR) du Comité de contrôle étatique ». Le média a fait savoir qu’au moins treize de ses employés, notamment des journalistes, des comptables et un informaticien avaient été interpellés.
Le DFR, un puissant organe d’investigations qui a ciblé l’opposition par le passé, a confirmé mener ces raids à Tut.by et dans les bureaux de Hoster.by, un fournisseur de solutions en ligne pour l’hébergement de sites Internet. Dans un communiqué, le DFR a assuré que la directrice de Tut.by, Lioudmila Tchekina, était visée par une procédure pénale pour « fraude fiscale ». En cause, « des sommes particulièrement importantes d’impayés de TVA en 2020 », poursuit-il.
« Aujourd’hui, nous sommes tous témoins du meurtre prémédité du média et portail d’information indépendant Tut.by », a dénoncé mardi la figure de l’opposition, Svetlana Tsikhanovskaïa, exilée en Lituanie. Le site de Tut.by était inaccessible de la Biélorussie, mais aussi de la Russie ou la France. Sur Twitter, le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, a lui dénoncé une nouvelle mesure du régime d’Alexandre Loukachenko visant à « étouffer les voix indépendantes et à punir les journalistes pour leur couverture honnête de l’actualité ».
Multiples arrestations
Le président biélorusse, Alexandre Loukachenko, confronté à un vaste mouvement de contestation contre sa réélection, jugée frauduleuse, en août 2020, a orchestré une campagne de répression contre l’opposition et les médias indépendants du pays.
Le mouvement a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues de Minsk et d’autres villes pendant des semaines, avant de s’essouffler progressivement à coups d’arrestations massives, de violences ayant fait au moins quatre morts et de lourdes peines de prison qui continuent de tomber.
D’autres médias ont également été visés par les autorités. La semaine dernière encore, deux journalistes qui voulaient couvrir le procès d’un opposant avaient été arrêtés et ont subi des mauvais traitements en détention, selon l’association biélorusse des journalistes. Une journaliste de Tut.by a, elle, été condamnée à quinze jours de prison, lundi, pour avoir « participé à un événement de masse non autorisé ».
En février, Daria Tchoultsova et Katerina Bakhvalova, de la chaîne d’opposition Belsat, établie en Pologne, ont été condamnées à deux ans de prison, accusées d’avoir fomenté des troubles en couvrant le mouvement de contestation de 2020.
La plupart des journalistes travaillant pour les médias étrangers se sont, eux, vu retirer leurs accréditations, les privant de facto de la possibilité de travailler légalement. Les autorités biélorusses ont interdit la diffusion dans le pays de la chaîne télévisée européenne Euronews, une mesure de censure, selon des voix critiques du régime.
La prison ou l’exil
De son côté, le président Loukachenko, 66 ans, a présidé mardi une réunion du conseil de sécurité, qui réunit les cadres des services de sécurité, leur intimant de ne pas faiblir face à leurs ennemis intérieurs et extérieurs. « Ne faiblissez pas ! Je vois que vous êtes super, que vous contrôlez la situation et que vous réagissez comme il faut sur les principaux sujets », a-t-il dit.
Près de six mois après les derniers grands rassemblements, de lourdes peines de prison continuent de tomber sur ses détracteurs. La quasi-totalité des figures de la contestation ont été emprisonnées ou contraintes à l’exil, à l’instar de l’ex-candidate à la présidentielle Svetlana Tsikhanovskaïa.
Cette répression a valu au pays une batterie de sanctions occidentales qui l’ont conduit à se rapprocher davantage du président russe, Vladimir Poutine. Les deux pays, de proches alliés, entretiennent des relations compliquées depuis des années, Minsk suspectant Moscou de vouloir le vassaliser. En avril, la Russie et la Biélorussie ont en outre accusé des opposants d’avoir planifié un coup d’Etat visant à assassiner M. Loukachenko et sous-entendu que des puissances occidentales aient pu être complices.
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