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Algérie : « Veulent-ils un affrontement ou bien est-ce la lutte des clans en interne ? »

Des manifestants font face à des policiers à Alger, vendredi 7 mai 2021, lors d’une marche du Hirak. ANIS BELGHOUL / AP

A moins d’un mois des élections législatives contestées du 12 juin, les services de police ont arrêté des centaines de manifestants du Hirak, le mouvement de contestation qui secoue l’Algérie depuis plus de deux ans. Au moins quarante-six personnes, dans six wilayas (préfectures), ont été placées sous mandat de dépôt durant le week-end, indique le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une organisation qui recense le nombre de détenus d’opinion.

Lors de la 117e marche du Hirak, vendredi 14 mai, la police a procédé à des interpellations sur la rue Didouche-Mourad, épicentre de la contestation à Alger, ainsi que dans le quartier populaire de Bab-El-Oued, d’où part habituellement un important cortège à destination du centre-ville. Des groupes de manifestants y ont été pris en étau puis brutalisés par la police.

Des journalistes et des photographes ont été interpellés et retenus dans les commissariats durant plusieurs heures, les empêchant ainsi de couvrir la manifestation. Kenza Khatto, journaliste pour Radio M, média privé qui fait régulièrement intervenir des personnalités de l’opposition, a été maintenue en garde à vue et sera présentée devant le procureur mardi 18 mai. Cette dernière a été interrogée sur sa couverture du Hirak et obligée de signer un procès-verbal sans pouvoir le lire, ses lunettes ayant été cassées lors de son interp, rapporte son avocate Zoubida Assoul.

Tension montée d’un cran

Ces dernières semaines, la tension est montée d’un cran. Vendredi 7 mai, les protestataires avaient pris de court les services de police en modifiant le trajet de la marche, ce à quoi le ministère de l’intérieur a répondu en obligeant les organisateurs des marches du Hirak à « déclarer » au préalable les manifestations auprès des autorités. Une manière de les interdire, dénonce plusieurs voix qui rappellent que le mouvement de protestation n’a ni structure, ni leader.

Etudiants, avocats, membres de partis politiques, journalistes… Tous ont fait les frais de cette vague de répression qui a provoqué une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Mohcine Belabbas, président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), a également été interpellé vendredi alors qu’il se trouvait dans le centre de la capitale avant d’être libéré en début de soirée.

Athman Mazouz, secrétaire national à la communication de ce parti d’opposition, arrêté alors qu’il se trouvait en sa compagnie, a été interrogé sur les « relations présumées entre le Rassemblement pour la culture et la démocratie et les grandes puissances étrangères et organisations internationales. (…) Ce sont des pratiques courantes de la police politique que le RCD dénonce », écrit le président du parti dans une déclaration publiée sur ses réseaux sociaux.

« Que cherchent-ils à travers tout cela ? Veulent-ils un affrontement ou bien est-ce la lutte des clans en interne ? On ne comprend plus », interroge un militant du RCD qui souhaite conserver l’anonymat.

127 détenus d’opinion dans tout le pays

Plusieurs partis d’opposition, qui ont déjà opté pour le boycott des législatives, ont interpellé les autorités. « L’arrestation de centaines de citoyennes et citoyens, dont des journalistes, des responsables politiques, consacre et institutionnalise la criminalisation et la judiciarisation de la pratique politique et de l’exercice de la profession de journaliste », a indiqué le Parti des travailleurs (PT, trotskiste) dans un communiqué.

« Continuer à donner la priorité au traitement sécuritaire à la crise nationale et l’escalade participerait à l’exacerbation des tensions, renforcerait les hypothèses de confrontation et alimenterait les voix de l’extrémisme et de l’intolérance », a prévenu le Front des forces socialistes (FFS), le plus vieux parti d’opposition algérien, dont l’une des figures, l’ancien député Ali Laskri, a été interpellée avant d’être relâchée.

C’est à Sétif, dans l’est du pays, que l’on enregistre le nombre le plus important de placements sous mandat de dépôt avec la condamnation, dimanche 16 mai, de vingt-deux manifestants à un an de prison ferme pour « attroupement non armé et incitation à attroupement non armé ».

A Alger, au moins huit personnes ont été mises en détention après leur condamnation à des peines de prison allant de douze à dix-huit mois de prison ferme. On dénombre actuellement 127 détenus d’opinion dans tout le pays, selon le décompte effectué par le site Algerian Detainees.

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