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En Israël, la violence du discours politique a précédé celle des rues

Un juif ultra-orthodoxe passe près de travaux routiers surplombés des affiches de campagne d’Avigdor Lieberman, dirigeant du parti Israël Beitenou, et de Benyamin Nétanyahou, du Likoud. A Bnei Brak, en Israël, le 14 mars 2021. Un juif ultra-orthodoxe passe près de travaux routiers surplombés des affiches de campagne d’Avigdor Lieberman, dirigeant du parti Israël Beitenou, et de Benyamin Nétanyahou, du Likoud. A Bnei Brak, en Israël, le 14 mars 2021.

Pour prendre la mesure des violences urbaines mettant aux prises Arabes contre juifs, localisées mais inédites, qui durent en Israël depuis le 11 mai sur fond de conflit à Gaza, il faut s’arrêter sur la violence verbale qui a précédé ces heurts. Peser la brutalité symbolique des mots de responsables politiques israéliens qui, d’élection en élection, ont banalisé la division du « eux » contre « nous », le vocabulaire de l’ennemi, du rival irrémédiable.

Une telle violence trace avec le temps un sillage. Quelle que soit la part de calcul, de cynisme qui la guide au coup par coup, elle entraîne derrière elle des actes. L’histoire récente du pouvoir israélien est celle d’une droite qui glisse, depuis une décennie, dans un raidissement identitaire. Ses éclats de langage font écho à d’autres, incendiaires et excluant aussi, de députés et de représentants communautaires arabes, qui ne sont pas au pouvoir.

« Pas de loyauté, pas de citoyenneté »

Le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, à la tête du gouvernement depuis 2009, a longtemps laissé ce chemin aventureux à son ancien directeur de cabinet, Avigdor Lieberman. Par son langage sans fard et sa logique simple, brutale, cet ultranationaliste a révolutionné l’espace politique israélien, après la seconde Intifada (2000-2005). « Pas de loyauté, pas de citoyenneté. » Ce slogan, durant les législatives de 2009, jetait le discrédit sur la fidélité à l’Etat juif de la minorité arabe, qui représente 20 % de la population.

A son public russophone, M. Lieberman propose encore aujourd’hui un « échange de populations » entre Israël et un futur Etat palestinien. Ce n’est pas la souveraineté sur la Terre sainte qui compte pour ce laïque, mais l’homogénéité de chaque lieu. Les Palestiniens d’Israël, dehors. Les villes mixtes, qui concentrent ces jours-ci le plus gros des violences : une erreur.

Le discours de M. Nétanyahou a connu un net infléchissement en ce sens en mars 2015. Le premier ministre rallie alors ses électeurs aux urnes, en les enjoignant de faire pièce aux Arabes : « Le gouvernement de droite est en danger. Les électeurs arabes se rendent en masse aux bureaux de vote. Des ONG de gauche les y emmènent en bus. » Soudain, le jeu démocratique est résumé à un équilibre binaire, forcément inégal.

Emballement depuis deux ans

Cette ligne, M. Nétanyahou la réactive par à-coups, au gré des campagnes et des circonstances. Elle trouve aussi un débouché au Parlement, dans des textes ou des propositions soutenus par ses alliés d’extrême droite. Ceux-ci ont culminé, en 2018, avec une loi à valeur constitutionnelle définissant Israël comme le « foyer national du peuple juif », qui dégradait le statut de la langue arabe et considérait comme « valeur nationale », soixante-dix ans après la naissance de l’Etat, le « développement des communautés juives ».

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