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Loïc Dombreval : « Ne pas inscrire la PPL Animaux au Sénat serait une erreur magistrale ! »

Rapporteur de la proposition de loi contre la maltraitance animale et élu LaRem dans les Alpes-Maritimes depuis 2017, Loïc Dombreval souligne l’étendue des progrès à réaliser en termes de bien-être animal à travers son manifeste « Barbaries » (Michel Lafon, 2021). Dans un entretien accordé à 30millionsdamis.fr, le député se livre sur les sources de son engagement, ses doutes et ses espoirs dans l’avenir. Et presse le gouvernement d’inscrire la PPL Animaux, pour examen au Sénat.

 

Je suis prêt à parier que pour l’élection présidentielle de 2022, il n’y aura pas un candidat qui ne traitera pas ce sujet.

 

Quels animaux ont marqué votre enfance ?

J’ai toujours été un amoureux des animaux. Je me souviendrai toujours de ce moment où j’ai aperçu Gwenn, ce magnifique chaton blanc qui se trouvait dans une canalisation sous un immeuble. C’était mon premier animal, il m’a vraiment marqué. Dans le même temps, j’adorais regarder des émissions sur les animaux comme 30 Millions d’Amis, pendant que je chérissais mon chat. J’en ai encore trois aujourd’hui.

Lors de vos études de vétérinaire, vous déplorez que l’animal soit quasi exclusivement appréhendé sous un angle « clinique »…

Quand on a 16 ans, on a une image idéalisée de l’animal. Une image très affective. A mon entrée dans l’école vétérinaire, j’avais oublié qu’il fallait passer par de la science dure, de la médecine, des chiffres… C’était froid et académique. J’ai fait le même constat en démarrant en clinique. C’était un choc. Mais j’ai vraiment aimé exercer pendant 7 ans. Quand on est vétérinaire, on l’est pour la vie. Je pense d’ailleurs à recommencer.

Vous êtes le rapporteur de la proposition de loi contre la maltraitance animale, qui a été adoptée en 1ère lecture à l’Assemblée nationale. Peut-on raisonnablement espérer qu’elle soit votée et promulguée lors de cette mandature, sachant que le Sénat doit encore examiner le texte ?

Que cette loi n’ait toujours pas été inscrite à l’ordre du jour au Sénat ne m’a évidemment pas échappé. Si jamais elle ne devait pas l’être, j’en serais très irrité… et je le ferais savoir ! Ce serait une immense déception pour celles et ceux qui défendent la cause animale. Je ne peux pas croire qu’elle ne soit pas discutée. Ce serait une erreur magistrale. Ce texte n’est pas parfait, mais il permet des avancées concrètes. Je remercie par ailleurs la Fondation 30 Millions d’Amis pour son apport.

Avec le recul, quels sont vos motifs de regret et de satisfaction concernant le texte actuel ?

De façon générale, c’est une loi qui traite assez bien de la question de l’abandon de l’animal de compagnie, même s’il y a des déceptions. Je pense notamment à mon amendement pour interdire la vente d’animaux sur Internet, qui a été refusé. Toutefois, nous pouvons être satisfaits de l’interdiction de la vente dans les animaleries, du renforcement des sanctions pénales, de la création d’un certificat de connaissances pour l’animal de compagnie ou tout ce qui concerne la faune sauvage captive. Bien sûr, des questions n’ont pas été traitées comme la chasse ou la corrida. Mais je préfère un texte plus concis qui passe, plutôt qu’une loi plus large qui ne passe pas.

La corrida justement est l’une des (nombreuses) barbaries que vous dénoncez. Pourquoi n’avance-t-on pas sur ce sujet ?

La corrida est une barbarie à géographie variable. C’est justiciable dans un département et pas dans un autre au nom des traditions locales. C’est incompréhensible ! Nous voyons pourtant des pays et des régions qui avancent sur le sujet. En France, il y a un manque de courage politique. Nous avons des preuves de l’impact de ces actes sur l’enfant ; au moins, interdisons-la pour les plus jeunes !

 

Le mythe de la ruralité brandi par les chasseurs, c’est débile !

La Fondation 30 Millions d’Amis constate une vague de classements sans suite sur des dossiers d’actes de cruauté envers des animaux. Que faut-il faire pour que ce renforcement des sanctions pénales soit efficace ?

Il est vrai qu’on est souvent surpris, déçus voire choqués par la faiblesse des sanctions données par certains juges. Cela s’explique par un manque de formation sur la question du droit de l’animal, sur lequel la Fondation 30 Millions d’Amis a d’ailleurs effectué un bon travail. Les juges ne sont pas assez nombreux, pas assez sensibilisés et l’accès à l’information réclame du temps qu’ils n’ont pas toujours. Ce qui m’importe, c’est de rehausser leur niveau de connaissance. Il faut de la pédagogie. Par ailleurs, nous avons prévu la création d’un fichier des interdits de détenir un animal qui sera un outil très utile pour les refuges. On avance.

Vous êtes favorable à l’instauration d’un dimanche sans chasse. Une très large majorité de nos concitoyens le demande. Que manque-t-il pour que cette décision soit prise ?

Il y a beaucoup de députés et de sénateurs chasseurs. Et dans leur esprit, il y a beaucoup d’électeurs chasseurs. Je dis bien « dans leur esprit ». Je ne suis pas chasseur, ni un anti-chasse mais je suis ouvert au dialogue. Le rôle du politique est de trouver des compromis ; imaginons donc un jour dans la semaine où les familles peuvent se promener sans être apeurées. Il y a une incapacité de parler de cohabitation douce entre chasseurs et non-chasseurs. Pourtant, il y a des accidents, des morts et de la peur, c’est une réalité. Tout ce que je souhaite, c’est discuter. Or, j’observe qu’il est impossible de discuter avec certains chasseurs.

Pourquoi ?

Certains considèrent qu’à partir du moment où vous êtes contre les chasses traditionnelles, qui font souffrir les animaux, vous avez un agenda caché. Ce que je n’admets pas, c’est le fait de faire souffrir un animal. Ma position est claire : il faut mettre fin à ces chasses abjectes comme la vénerie sous-terraine, la chasse à courre ou la chasse à la glu.

 

On ne peut pas demander à un politique d’aimer les animaux, mais on peut l’obliger à agir pour eux.

Comment expliquez-vous les cadeaux faits aux chasseurs sous le quinquennat d’Emmanuel Macron ?

Je ne me l’explique pas. Pourquoi s’attache-t-on tant aux voix des chasseurs ? Ils pensent qu’ainsi, ils se mettent les voix de la ruralité dans les poches mais ce n’est pas vrai ! Il y a un vrai problème d’analyse de la situation. Parmi les chasseurs, il doit y avoir 35-40% de professions libérales, citadins pour 8% d’agriculteurs. Ce sont des gens de la ville qui vont chasser à la campagne. Cela montre que le mythe de « la ruralité contre les citadins » brandi par les chasseurs, c’est débile. Et ce que dit Willy Schraen (président de la Fédération des chasseurs, NDLR) autour de ça, c’est débile aussi. Ce n’est pas un problème d’opposition entre la ruralité et la ville. C’est un faux clivage, une immense manipulation politique qu’il faut dénoncer. Par ailleurs, c’est irresponsable politiquement.

Sentez-vous chez le Président une réelle volonté d’améliorer le sort des animaux ?

Comme disait l’autre, c’est à la fin de la foire qu’on compte les bouses. C’est donc en 2022 qu’on dressera un bilan. Je pense que la conjonction de l’opinion, des associations, des médias, du Référendum d’Initiative Partagé et des députés qui n’ont rien lâché, a entraîné une liste d’avancées inégalées. On ne peut pas demander à un politique d’aimer les animaux, mais on peut l’obliger à agir pour eux. L’important, c’est d’avoir le sens des responsabilités. Emmanuel Macron partait d’assez loin. Je pense que c’est un thème qui échappait à son « scope ». Mais il s’est rendu compte que c’était un vrai sujet politique et qu’il fallait le traiter. Je suis incapable de vous dire s’il le traite parce que les Français l’y pressent ou parce qu’il est devenu sensible aux animaux. Ce qui m’importe, c’est qu’il écoute les Français sur cette question-là.

 

Je salue la réforme du Code civil que la Fondation 30 Millions d’Amis a porté avec une série d’intellectuels français de très haut niveau.

Vous plaidez pour une instance dédiée à la protection animale en France. Seriez-vous intéressé par une telle fonction ?

L’animal étant un être vivant, toutes les responsabilités ministérielles s’appliquent sur lui. C’est le meilleur moyen de noyer le poisson, si je puis dire. A la fin, on ne sait plus qui doit s’en occuper. C’est pourquoi une personne doit être en charge de ces questions. Cela peut être un Haut commissaire, un secrétariat d’Etat… Si un jour, cette fonction existait je serais évidemment intéressé. Car c’est ma vie. Je me bats pour ça. Mais je sais à quel point ce serait compliqué. Inévitablement, vous aurez tel ou tel ministère pour vous mettre des bâtons dans les roues. C’est pour cela que j’ai un petit faible pour l’idée d’un défenseur des droits. Car c’est une autorité administrative indépendante du gouvernement. 

En 2015, la Fondation 30 Millions d’Amis est parvenue à faire modifier le Code civil afin qu’il reconnaisse le caractère vivant et sensible des animaux. Considérez-vous que cette évolution a permis de déverrouiller le débat juridique autour de la protection animale ?

Je salue sincèrement l’amendement Glavany que la Fondation 30 Millions d’Amis a porté avec une série d’intellectuels français de très haut niveau. Il a eu une portée extrêmement importante, ne serait-ce que symbolique. Il ne faut pas mépriser le symbole car il est essentiel. Cela a permis de sensibiliser l’opinion publique, les politiques, les juges…  C’est tout sauf anodin. C’est l’un des points de départ du chemin vers la reconnaissance de l’animal en tant qu’être vivant doué de sensibilité. La Fondation 30 Millions d’Amis l’a initié et il faut qu’elle continue à travailler. Il est important d’avancer sur cette question même si ça prendra du temps.

Quels sont vos prochains objectifs pour la protection animale ?

Je souhaite continuer à me battre sur des évolutions autour de l’élevage, les chasses traditionnelles, la chasse à courre, l’abattage rituel et la corrida. Si je suis candidat, et élu, je m’attacherai à poursuivre ce combat. Si je ne suis pas candidat, je le poursuivrai sous une autre forme ; cela peut aussi être un bon moyen de faire avancer les choses. Vous le démontrez à travers vos bénévoles, votre puissance de feu médiatique, vos pétitions. Sans tout cela, notre combat n’aurait aucun sens.

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