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Le juge Rosario Livatino, assassiné par la mafia sicilienne, béatifié

La voiture du juge Rosario Livatino, en septembre 1990, à Agrigento (Sicile). La voiture du juge Rosario Livatino, en septembre 1990, à Agrigento (Sicile).

Le juge Rosario Livatino avait 38 ans quand il fut assassiné par des tueurs de la mafia en Sicile le 21 septembre 1990. Dimanche 9 mai au matin, il sera béatifié au cours d’une messe, hommage à un « martyre » de la justice.

Le magistrat italien, qui refusait une escorte armée, fut abattu à quelques kilomètres de chez lui, près d’Agrigente (Sicile), alors qu’il s’apprêtait à prendre des mesures d’assignation à résidence contre des membres de grandes familles de la mafia sicilienne (Cosa Nostra).

Quand la police arriva sur les lieux où il gisait la tête explosée, elle trouva son agenda, avec le sigle « STD » inscrit en première page, à l’instar de tous ses dossiers. Il s’agit de l’ancienne invocation « Sub tutela Dei » (Sous la protection de Dieu) utilisée par les magistrats au Moyen-Age avant de prendre des décisions officielles.

Rosario Livatino se rendait chaque matin à l’église, avant d’aller au tribunal. Ses notes ont révélé la force de son engagement professionnel inspiré par ses convictions religieuses : il demandait pardon à Dieu des risques auxquels il exposait ses parents. « Rendre justice, écrivait-il, est comme prier et consacrer sa vie à Dieu. »

Rosario Livatino avait quitté sa fiancée deux ans auparavant, avec son accord. Un missionnaire de la justice, avait-il laissé comprendre à ses parents désolés, ne peut pas entraîner une épouse et une famille dans son aventure.

« Un exemple » pour le pape François

En visite auprès de ses parents en 1993, Jean-Paul II avait qualifié Rosario Livatino de « martyr pour la justice et indirectement pour la foi ».

« Qu’est-ce que je vous ai fait, petits ? » furent ses dernières paroles en dévisageant ses deux jeunes assassins, révélera un repenti. Puis Rosario Livatino reçut des balles dans la bouche pour le réduire symboliquement au silence. Ce fut « la complainte d’un homme juste qui savait qu’il ne méritait pas cette mort injuste », a commenté le pape François, dans la récente préface d’un livre consacré au juge.

« Livatino est un exemple non seulement pour les magistrats, mais pour tous ceux qui travaillent dans le domaine du droit », loue le pape argentin, évoquant « un point de référence » pour « les jeunes qui sont encore attirés par les sirènes de la mafia dans une vie de violence, de corruption, d’oppression et de mort ».

Luigi Ciotti, un prêtre célèbre pour sa lutte contre les mafias, estime que le juge sicilien est mort « pour sa fidélité à une profession vécue comme une véritable vocation, un service rendu et jamais un exercice de pouvoir ».

« Je vois l’obscurité dans mon futur », avait écrit Rosario Livatino, rappelle le père Ciotti. « Il a été parmi les premiers magistrats en Italie à mettre en œuvre des mesures de saisie et de confiscation des biens détenus par les mafieux. Il a compris que cela conduirait à l’affaiblissement des clans, leur perte de contrôle et aussi de prestige social », relève-t-il, dans la préface d’une biographie publiée dimanche.

Le Pape s’attaque aux mafieux

Depuis son élection, François s’est attaqué frontalement aux mafieux, souvent bienfaiteurs des paroisses. En 2018, il s’était rendu à Palerme pour rendre hommage au prêtre Giuseppe Puglisi assassiné 25 ans plus tôt (et béatifié en 2013) pour avoir cherché à tirer des tentacules de Cosa Nostra les jeunes d’un quartier défavorisé. « On ne peut pas croire en Dieu et être mafieux », avait lancé le pape.

Son assassinat était survenu dans un pays encore traumatisé par les attentats qui venaient de coûter la vie aux juges antimafia Giovanni Falcone et Paolo Borsellino.

A Naples, fief de la Camorra, François a aussi condamné en 2015 les organisations qui « exploitent et corrompent les jeunes, les pauvres et les défavorisés », ajoutant que « la corruption pue ».

En Calabre, dix mois plus tôt, il avait appelé les catholiques à « combattre » l’ultra-puissante ’Ndrangheta. « Ceux qui dans leur vie ont choisi cette voie du mal, comme les mafieux, ne sont pas en communion avec Dieu, ils sont excommuniés », avait-il même déclaré. L’excommunication est la peine plus sévère envisagée par l’Eglise catholique à l’encontre de ses membres.

Le Monde avec AFP

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