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Syrie : sur TikTok, le quotidien miséreux des déplacés des camps d’Idleb

Publié le : 06/05/2021 – 18:41

Le conflit qui sévit en Syrie depuis dix ans a progressivement contraint des millions de personnes à fuir vers le gouvernorat d’Idlib et le nord-ouest du gouvernorat d’Alep, derniers bastions tenus par les groupes rebelles, près de la frontière avec la Turquie. Qusaï al- Shabyb, un activiste syrien, s’est déplacé ces dernières semaines dans plusieurs camps de cette région, où s’entassent des centaines de milliers de déplacés dans des conditions précaires. Il a réalisé des vidéos qu’il a postées sur Tik Tok pour rendre compte du quotidien de ces familles.

Selon le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies, 6,7 millions de Syriens fuyant les combats entre les forces loyalistes et les groupes rebelles sont déplacés à l’intérieur du pays.

Environ 2,7 millions de déplacés se sont installés au nord-ouest de la Syrie, près de la frontière avec la Turquie. Ils vivent pour la plupart dans des tentes ou des logements de fortune. 

Vidéo du camp d’Atmeh, au nord d’Idlib, filmée par un drone. Crédit : Qusaï al-Shabyb.

 

“Beaucoup se sont résolus à vivre dans les camps de façon permanente”

Le gouvernorat d’Idlib notamment abrite un conglomérat de près de 1 100 camps, où vivent des familles, pour certaines depuis le début du conflit en 2011. 

Qusaï al-Shabyb était étudiant au moment du déclenchement du mouvement de protestation contre le régime syrien en 2011. Recherché par les autorités pour avoir participé aux manifestations contre le régime, il s’est enfui vers le nord d’Idlib, près de la frontière avec la Turquie, où il a réalisé plusieurs reportages photos sur le quotidien des déplacés. Depuis quelques semaines, il poste régulièrement des vidéos des camps sur le réseau social TikTok, dans l’espoir de sensibiliser au sort des déplacés.  

La plupart des familles qui vivent dans ces camps pensaient que leur séjour ici allait être provisoire. Beaucoup ont dépensé toutes leurs économies, pensant pouvoir retourner chez eux et retrouver leur emploi. En l’absence de perspectives, ils se sont aujourd’hui résolus à vivre dans les camps de façon permanente. 

Les déplacés vivent du panier alimentaire fourni par le Programme alimentaire mondial [des Nations Unies], dont le montant est fixé à vingt dollars [environ dix-sept euros] par famille et par mois. Ce qui est très peu, surtout que les médicaments coûtent très cher. 

La bonbonne de gaz pour faire la cuisine coûte par exemple dix dollars [huit euros], soit la moitié du prix du panier alimentaire. Du coup, les gens se débrouillent comme ils peuvent. Pour faire la cuisine, ils utilisent des bouts de bois, de plastique, du fuel, des morceaux de pneu et d’autres produits dangereux qui ont provoqué plusieurs incendies. C’est pour cela que des ONG locales organisent régulièrement des exercices pour apprendre aux femmes comment éteindre rapidement un feu pour éviter qu’il ne se propage. Surtout qu’une tente en toile peut prendre entièrement feu en moins de cinquante secondes.

Vidéo tournée dans le camp de Sarmada, gouvernorat d’Idlib. Crédit : Qusaï al-Shabyb.

 

Les camps ont été aménagés pour accueillir les déplacés de façon provisoire.  Et ils manquent de réseaux d’évacuation des eaux usées. Certaines familles creusent des petites tranchées à côté de leur logement pour y déverser les eaux usées. Puis elles collectent cette eau avec un bidon ou un jerricane avant de la jeter un peu plus loin, à l’écart des tentes. C’est ce que j’ai voulu montrer avec cette vidéo où l’on voit une petite fille qui collecte les eaux usées au camp de Halab Labbeh, au nord d’Idlib où s’entassent près de  5 000 familles.

Vidéo tournée dans le camp de Halab Labbeh, gouvernorat d’Idlib. Crédit : Qusaï al-Shabyb.

 

Pour se protéger des intempéries, de nombreux déplacés ont construit des petites baraques en parpaing. Parfois quand ce matériau vient à manquer, on utilise des pierres qu’on casse dans la roche, ça et là dans la campagne. En guise de toit, on utilise le plus souvent un simple morceau de toile cirée. 

Crédit : Qusaï al-Shabyb.

 

De nombreux enfants qui vivent dans les camps sont déscolarisés. Pour autant, ils ne sont pas abandonnés à leur sort. Dans chaque camp, il y a des instituteurs volontaires qui font cours dans des tentes aménagées en classe. Parfois, les conditions sont vraiment difficiles, les enfants sont assis à même le sol et il n’y pas de tableau, comme le montre cette vidéo filmée dans le camp al-Abyadh, à cinq kilomètres au au nord d’Idlib.

Cours dans une tente, dans le camp al-Abyadh au nord d’Idlib. Crédit : Qusaï al-Shabyb.

 

Ce qui m’a beaucoup ému en visitant les camps, c’est le fait que les familles, malgré la dureté des conditions de vie, ne baissent pas les bras et s’efforcent de mener une vie digne. On essaie surtout de rendre les enfants heureux, et de leur faire oublier la misère dans laquelle ils vivent, à travers les cours et diverses activités ludiques.   

Un grand-père fait une démonstration de cerf-volant, qu’il vient de fabriquer pour ses petits enfants. Crédit : Qusaï al-Shabyb.

 

Dix ans après son commencement, la guerre en Syrie a fait au moins 388 652 morts, selon un bilan publié de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Selon l’OSDH, près de 117 388 civils, dont plus de 22 000 enfants, ont péri depuis le début de cette guerre. Outre les déplacés internes, le HCR recense quelque 6,6 millions de réfugiés syriens à travers le monde.

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