Eric Collins est habitué à être l’un des seuls entrepreneurs noirs dans les cercles très fermés du capital-risque, mais il s’est donné pour mission de contribuer à l’ouvrir à plus de femmes et de minorités. Pas (seulement) par conviction, mais pour maximiser les profits.
« Là où j’investis, je cherche la sous-représentation, c’est-à-dire des gens ou domaines où les autres n’investissent pas », explique le natif d’Alabama âgé de 55 ans et désormais également citoyen britannique.
« En Europe, plus de 50% de la population sont des femmes, mais il n’y a jamais 50% des fonds de capital-risque qui leur revient. Pareil pour les minorités ethniques », argumente le cofondateur d’Impact X.
Cette société de capital-risque, c’est-à-dire l’investissement dans de jeunes entreprises, a été créée par un groupe d’hommes et femmes d’affaires noirs européens et américains, dont Ursula Burns, l’ex-patronne de Xerox, ou Lenny Henry, acteur vedette britannique et militant pour la diversité dans les industries créatives.
Le portefeuille d’investissement d’Impact X comprend par exemple Youneek Studio, spécialisé dans les superhéros africains de BD, R.grid, spécialisé dans les essais cliniques et l’intelligence artificielle, ou encore la maison de production Three Tables.
Depuis des décennies les études montrent que les équipes diverses sont plus performantes et « j’ai la responsabilité d’apporter le plus haut rendement possible », souligne l’entrepreneur, qui sera à l’affiche à partir de ce mois-ci sur Channel 4 de The Money Maker.
Dans cette adaptation britannique de l’émission américaine de téléréalité The Profit, il conseille des PME qui veulent se développer.
Les entreprises sélectionnées appartiennent à des secteurs plus traditionnels que la high-tech ou les industries créatives dont il est coutumier, comme la construction, l’alimentaire, la coiffure, mais « ce sont aussi des entrepreneurs de milieux sous-représentés qui font face à des difficultés ».
– Myopie des décideurs –
Eric Collins, un des anciens conseillers économiques de Barack Obama, qui a étudié avec lui à Harvard Law School, insiste sur le fait que « si on ne génère pas assez de capitaux » assez vite, « ce n’est pas durable car on n’attire pas de nouveaux fonds ».
Mais au-delà des profits, en variant le profil des entrepreneurs dans un milieu d’ordinaire très blanc et masculin, « on contribue à créer un environnement différent car les femmes et les personnes de couleur ont tendance eux aussi à embaucher ces profils ».
Il relève qu’au Royaume-Uni, une famille noire sur deux vit dans la pauvreté, contre une famille blanche sur cinq. Et ce avant la pandémie de covid-19 qui a touché de façon disproportionnée les femmes et minorités ethniques.
Une disparité statistique qui pour lui illustre un problème systémique auquel « Impact X essaie de répondre à travers le monde des affaires ».
Si depuis la montée en puissance du mouvement Black Lives Matter après le meurtre aux Etats-Unis de George Floyd il y a près d’un an, de nombreuses entreprises se sont engagées à promouvoir plus de noirs et minorités ethniques, Eric Collins trouve que beaucoup ont encore du mal à joindre le geste à la parole.
Concernant les pays comme la France ou l’Allemagne « où l’identification de la race est interdite » et où l’accent est donné sur l’universalisme et l’action par le prisme socio-économique, il interroge: « est-ce que ça marche? ».
« Quand on voit dans les organisations qui a le capital, on n’a pas l’impression que l’égalité a fait son chemin ».
Même sans statistiques ethniques, « on peut regarder dans les bureaux en France, les banques, les médias. Est-ce qu’on voit (beaucoup) de jeunes musulmans ou noirs qui dirigent des organisations en France? (…) Si ce n’est pas le cas, on pourrait alors se dire que la rhétorique pourrait être un peu différente ».
D’après lui, la clé réside dans « l’effet de réseau ». « On investit dans les gens qui viennent de notre réseau. Quand on n’en fait pas partie, on n’a pas l’opportunité d’accéder à du capital ».
Il relève notamment que « beaucoup de gens en position décisionnaire au Royaume-Uni viennent d’un très petit nombre d’universités » où très peu d’élèves ne viennent pas de milieux privilégiés.
Mais le problème n’est pas la disponibilité de femmes ou hommes d’affaires compétents issus de minorités, mais bien un problème de myopie des décideurs.
« Le monde de l’investissement marche aux introductions personnalisées » et « il faut en démocratiser l’accès. Tout le monde doit élargir un peu son spectre de recherche et son réseau », conclut-il.
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