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En Libye, les ratés du pari français sur Haftar

Le commandant en chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), Khalifa Haftar, à son bureau à Benghazi, en Libye, dans une photo publiée en septembre 2020 par le service presse de l’ANL. Le commandant en chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), Khalifa Haftar, à son bureau à Benghazi, en Libye, dans une photo publiée en septembre 2020 par le service presse de l’ANL.

La déconvenue tchadienne va-t-elle infléchir le regard que porte Paris sur le théâtre libyen ? Va-t-elle contribuer, en particulier, à une réappréciation des qualités prêtées au maréchal Khalifa Haftar, la sentinelle qui était censée garder la frontière méridionale de la Libye d’où a surgi l’offensive rebelle fatale à Idriss Déby ? Il est un secret de Polichinelle que la France avait lourdement investi sur le patron de l’autoproclamée Armée nationale libyenne (ANL). Sans se bercer d’illusions, mais avec une loyauté, une persistance et parfois une connivence idéologique qui laissent a posteriori plus que dubitatifs.

M. Haftar a été un pari stratégique de la France dont l’histoire reste à écrire. L’étendue de l’aide – sécuritaire au début, politico-diplomatique ensuite – fournie à partir de 2016 à cette figure prétorienne de la Cyrénaïque (est), digne héritier de l’école des raïs régionaux, n’a cessé d’intriguer les partenaires européens de Paris, jusqu’à susciter des tensions au sein même de l’appareil français. L’objectif était de permettre à ce supposé « homme fort », drapé dans le combat antiterroriste, de stabiliser une Libye en plein chaos post-« printemps arabe » pour, plus au sud, mieux dérouler un cordon sanitaire autour de l’opération « Barkhane » au Sahel. « La vision de la France est plus régionale que libyenne », déclarait en avril 2019 au Monde Ghassan Salamé, alors chef de la mission des Nations unies en Libye.

C’est dire combien les récentes turbulences tchadiennes prennent à revers les attentes de Paris. Le calcul sur le maréchal libyen s’est révélé en l’espèce d’une totale vanité. Non seulement le « garde-frontière » n’a en rien endigué les infiltrations venant de Libye, mais le groupe rebelle ayant porté l’estocade fatale à M. Déby, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), est issu de l’hétéroclite coalition militaire bâtie autour d’Haftar en Libye orientale et méridionale. Le maréchal a toujours été généreux dans son recrutement de « mercenaires » tchadiens et soudanais (darfouris), sans compter les combattants russes de Wagner que Moscou mettait à son service.

Précieuse expertise technique

Que le FACT tchadien ait émergé des rangs de cette coalition ne signifie en rien qu’Haftar ait commandité, ou ait même approuvé, l’offensive contre Déby. Ce dernier affichait une amitié ostensible avec Haftar au nom d’une « lutte antiterroriste » partagée, une connivence stratégique qu’encourageait vivement une France soucieuse de conforter l’opération « Barkhane ». Haftar n’avait aucune raison objective de s’en prendre à Déby par « mercenaires » interposés.

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