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L’aveuglement de Narendra Modi, dépassé par l’épidémie de Covid-19 en Inde

Le premier ministre indien, Narendra Modi (au centre), face à ses partisans lors d’un meeting électoral près de Siliguri, au Bengale-Occidental, le 10 avril 2021. Le premier ministre indien, Narendra Modi (au centre), face à ses partisans lors d’un meeting électoral près de Siliguri, au Bengale-Occidental, le 10 avril 2021.

C’était bien avant que le tsunami de Covid-19 submerge l’Inde. Pendant de longs mois, les Indiens ont observé, intrigués, sa barbe blanche et ses cheveux, d’habitude minutieusement taillés, s’épaissir et s’allonger. Lui n’a jamais commenté sa métamorphose, laissant chacun spéculer sur les raisons de ce changement et sa signification politique.

Depuis le début de l’épidémie due au nouveau coronavirus en février 2020, Narendra Modi, qui attache un soin extrême à son apparence, a pris l’allure d’un gourou. Dans la culture hindoue, une longue barbe blanche est associée au sage philosophe ou sadhu. Certains commentateurs se sont hasardés à comparer le nouveau look de Modi à celui du poète Rabindranath Tagore, figure majeure de l’Inde, comme si le premier ministre voulait s’aligner sur les grandes icônes politiques et philosophiques du pays pour façonner sa propre figure historique.

« Narendra Modi, analyse Christophe Jaffrelot, chercheur au CERI-Science Po, est obsédé par la place qu’il laissera dans l’histoire et par sa volonté de rivaliser avec Gandhi. Le Mahatma est la seule figure qui compte pour lui. Comme lui, il tente désormais de sortir de la sphère politique, en prêchant la bonne parole lorsqu’il s’adresse à ses contemporains sur le thème de la morale, de la famille, de l’ordre. »

Apparente déconnexion

Le changement n’est pas seulement physique, il s’est accompagné d’une modification du répertoire. Narendra Modi, qui avait bâti sa popularité sur l’image de l’homme fort, est entré à partir de sa réélection en 2019 dans une dimension moralo-religieuse destinée, selon Gilles Verniers, à le placer au-dessus de la sphère politique. « Cela n’a évidemment rien d’anodin, relève ce professeur de science politique à l’université Ashoka, près de New Delhi. Il est passé de l’homme infaillible, du PDG de l’Inde, à l’image du sage hindou, au-dessus de la compétition et des partis, une figure que l’on ne questionne pas. C’est un changement qui trahit une tentative d’échapper à toute forme d’inventaire. »

Cette stratégie a fort bien marché lors de la première vague de l’épidémie de Covid-19. Malgré une gestion peu efficace, aux coûts humains et économiques exorbitants, les Indiens ne lui ont pas tenu rigueur de sa décision brutale de geler totalement le pays pendant deux mois. Le premier ministre avait annoncé cette décision le 24 mars 2020, alors que l’Inde, 1,4 milliard d’habitants, ne comptait que 415 cas, sans consulter les experts sur la pertinence et l’opportunité d’une telle mesure, s’alignant sur la stratégie des Occidentaux. Les Indiens n’eurent que quatre heures pour s’enfermer chez eux. Les 400 millions de migrants, ces travailleurs saisonniers qui quittent les campagnes chaque année pour aller chercher du travail en ville, furent les grandes victimes de la première vague, abandonnés à leur sort, sans travail, sans salaire, sans transport.

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