La Chine s’apprête à dévoiler les résultats de son recensement de 2020, qui révèlerait que pour la première fois depuis la fin des années 1950, la population chinoise serait en déclin, affirme le Financial Times mardi. Un indicateur révélateur d’une crise démographique chinoise aux multiples ramifications.
Les Chinois moins nombreux aujourd’hui qu’hier ? Pékin doit annoncer la première baisse de sa population depuis soixante ans, ont affirmé le Financial Times et le South China Morning Post, mardi 27 avril.
Les autorités étaient déjà censées rendre public les chiffres du grand recensement de 2020 début avril. Mais il y aurait eu « des travaux de préparation supplémentaires à mener » en amont de l’annonce, a indiqué le bureau national des statistiques. Une excuse qui n’a pas convaincu les Chinois, nombreux à se plaindre de ce retard sur les réseaux sociaux. Ils soupçonnent l’existence d’un vilain petit secret dans les chiffres du recensement que le pouvoir était peu désireux de partager avec le reste du monde.
Le douloureux précédent du « grand bond en avant » de Mao Zedong
Car Pékin maintient depuis trois ans que le pays compte 1,4 milliard d’habitants et en 2019, les autorités s’étaient même targuées d’avoir dépassé ce cap. Un recul de la population sous ce seuil serait une mauvaise nouvelle pour Pékin à plus d’un titre.
D’abord, il ferait ressurgir le souvenir douloureux du dernier fléchissement. Elle remonte à la grande famine entre 1959 et 1961, causée principalement par le « grand bond en avant » initié par Mao Zedong, qui avait forcé des millions d’agriculteurs à quitter leurs exploitations pour participer à l’effort de production industrielle.
Une telle baisse signerait aussi l’échec de la politique nataliste du président Xi Jinping. Il avait, notamment, mis fin à la politique de l’enfant unique en 2015. Mais c’était « trop tard », juge Mary-Françoise Renard, directrice de l’Institut de recherche sur l’économie chinoise (Idrec), contactée par France 24. Après une timide reprise des naissances en 2016, le taux de natalité a recommencé à chuter de plus de 10 % à partir de 2017. « La croissance avait alors commencé à ralentir, tandis que le coût de la vie, lui, augmentait, poussant bon nombre de Chinois à choisir de ne pas faire plus d’enfants », résume la spécialiste de la Chine.
Le recul de la population cadrerait aussi mal avec l’image de toute puissance que Pékin tente de projeter à l’extérieur. « Les Américains ont l’impression que la Chine va inexorablement les dépasser, et cette baisse de la population révèle que la Chine n’est pas si forte que ça », analyse Yi Fuxian, auteur d’un livre sur la démographie chinoise, interrogé par le South China Morning Post.
Pas si forte que ça, non plus, vis-à-vis de l’Inde, son grand rival régional. Les deux puissances asiatiques se comparent sur tout ou presque, et la démographie ne fait pas exception. L’Inde, avec 1,38 milliard d’habitants, talonne déjà la Chine et devrait la rattraper d’autant plus rapidement qu’elle ne vit, de son côté, pas de ralentissement du taux de fécondité. Bien au contraire.
Moins de Chinois, plus de problèmes économiques
Mais au-delà des comparaisons, une baisse de la population serait surtout une menace pour le miracle économique chinois. « La question de la démographie est un problème structurel central pour l’économie du pays », assure Mary-Françoise Renard.
La hausse de la population, et plus spécifiquement du nombre d’actifs, a « contribué de manière significative à la croissance chinoise de ces dernières décennies », rappelle la directrice de l’Idrec. C’était même l’un des piliers du modèle économique, assure le New York Times. Par le passé, le pays pouvait toujours mettre davantage de personnes au travail dans les usines pour doper la production et, par conséquent, son PIB, schématise, pour sa part, le Financial Times.
Ce déclin démographique reflète aussi le vieillissement rapide de la population chinoise. Un phénomène connu de bon nombre d’économies matures – comme l’Allemagne ou le Japon –, mais auquel la société chinoise est peut-être moins bien préparée. « Cela entraîne une hausse de la dépendance des inactifs aux actifs et dans un pays où l’État providence est quasi inexistant, cela représente un coût financier important », souligne Mary-Françoise Renard.
Il faut pouvoir prendre en charge les aînés, tout en préparant sa propre retraite. De quoi accentuer encore la tendance des Chinois à mettre de l’argent de côté, alors que « l’épargne est déjà à un niveau très élevé, ce qui se fait au détriment de la consommation », détaille cette spécialiste de l’économie chinoise.
Et c’est là que le bât blesse le plus. Le repli de la population, associé à son vieillissement, vient directement contrecarrer le grand dessein de Xi Jinping de développer le marché intérieur afin de réduire la dépendance de l’économie chinoise aux exportations.
Il devient donc urgent de trouver des solutions à ce défi démographique. Les autorités ont déjà envisagé de repousser l’âge de la retraite pour freiner le déséquilibre grandissant entre le nombre d’actifs et celui des inactifs, note le New York Times. Mais c’est une solution qui ne s’attaque qu’aux conséquences du déclin de la population chinoise et pas à ses causes.
Pour Mary-Françoise Renard, la « situation ne pourra s’inverser que si l’État met en place un système de protection sociale plus efficace. En rendant le coût de la vie plus supportable, cela pourrait convaincre les Chinois à faire plus d’enfants tout en les incitant à épargner moins pour consommer plus. »
Mais une telle réforme prendrait du temps et coûterait de l’argent. « Il faudrait allouer davantage de moyens aux autorités locales qui sont chargées de mettre en place ce genre de politique sociale », précise Mary-Françoise Renard. Il faudrait aussi organiser et planifier la construction de structures d’accueil et d’accompagnement pour les personnes âgées.
Les autres pays ont tout intérêt à ce que Pékin s’attèle à la tâche au plus vite. La crise démographique « peut avoir des répercussions bien au-delà des frontières chinoises », affirme le Financial Times. Les entreprises étrangères qui misent sur le marché chinois pour se développer se retrouveraient fort dépourvues si la consommation venait à ralentir. Mais, d’un autre côté, « d’autres secteurs pourraient en profiter », souligne Mary-Françoise Renard. À commencer par les sociétés qui construisent et gèrent les maisons de retraite. Et, comme le souligne la directrice de l’Idrec, c’est un domaine dans lequel la France excelle.
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