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Dans les favelas de Rio de Janeiro, les « baloeiros », fous du ballon volant

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Des « baloeiros » dans une favela de la zone nord de Rio de Janeiro au Brésil, le 4 avril. Des « baloeiros » dans une favela de la zone nord de Rio de Janeiro au Brésil, le 4 avril.

LETTRE DE RIO

Et soudain, un samedi soir, aux alentours de 20 heures, un mystérieux message tombe sur notre WhatsApp. « Demain, rendez-vous à 6 heures. Tout le monde sera là », nous informe notre contact, que l’on ne connaît que sous son prénom de Luciano. Vite, on confirme notre venue. La nuit sera courte. Levés aux aurores, les traits tirés, nous voilà, longeant en taxi la belle baie de Rio, chauffée par le soleil levant.

On l’aperçoit finalement, tapi dans l’ombre portée d’une voie rapide, près de l’aéroport international. Marcel bleu, crâne rasé, regard fuyant, Luciano esquisse un sourire et prend place dans la voiture, indiquant au chauffeur la destination : une favela de la zone nord de Rio. Il se refuse à donner plus de détails sur l’adresse. « Ce qu’on va faire aujourd’hui est totalement illégal », prévient-il.

« C’est de l’art populaire ! »

Et pourtant : en ce petit matin d’avril, nous n’allons pas dealer de la drogue. Ni prendre d’assaut une banque et encore moins balancer des cadavres dans la baie de Rio. L’objectif du jour est autrement plus ludique : il s’agit de lancer des ballons.

Après plusieurs tours et détours, on parvient au sommet de la favela. Sur un terrain de foot, adossé à un piton rocheux, des dizaines d’hommes (les baloeiros) s’affairent autour de bandes de papier et de plastique. Il y a là des vieux et des jeunes, des voisins, des familles. « Ici, c’est la fête toutes les semaines ! », se marre Leonardo, grosse bedaine et enthousiasme contagieux. Il règne en effet une atmosphère de gentille kermesse.

A la base du ballon, on fixe une bûche de paraffine, enflammée à l’aide d’un petit chalumeau. Poussés par l’air chaud ascendant, et l’aide de quelques hommes, les ballons de papier s’élèvent dans le ciel dominical, sous le regard mi-amusé, mi-inquiet des baloeiros. En deux heures, une bonne vingtaine quitte le sol.

Chaque envolée est immortalisée par quantité de photos prises au smartphone. « Ces ballons, c’est de l’art populaire ! Ils représentent notre culture et nos valeurs ! », insiste Willian, qui fait défiler sur son smartphone des dizaines de photos de baudruches aux couleurs chamarrées : Truffi de très grosse taille, Piao Carrapeta, à la forme de toupie, Bagdad, plus effilé, évoquant les dômes des palais d’Arabie, ou encore Fogueteiro, chargés de pétards, voire de feux d’artifice.

A la queue de ces derniers, on accroche souvent une grande bannière personnalisée. Celle-ci peut représenter tout et n’importe quoi : Hulk, Super Mario, Bolsonaro, Lula, une scène biblique, le portrait de l’épouse aimée ou d’un parent décédé. La culture et la vie des périphéries s’affichent aux yeux de tous dans le ciel urbain. Au même titre que le foot ou le carnaval, « le ballon, pour nous, c’est plus qu’un hobby : c’est une passion, une marque de fierté, un mode de vie », poursuit Willian.

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