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Fondé en 2016, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT), a juré de faire tomber N’Djamena. Retour sur l’histoire de ce groupe armé qui selon la version officielle serait responsable la mort du maréchal Déby.
Encore peu connu du grand public, le Front pour l’alternance et la concorde au Tchad (FACT) vient de faire une entrée fracassante dans l’actualité africaine. En pleine élection présidentielle tchadienne, le groupe rebelle a lancé une offensive aussi massive que soudaine et aurait provoqué la mort du président Idriss Déby sur le champ de bataille, après trente années passées au pouvoir.
Le FACT, appartient à la galaxie de groupes de l’opposition armée tchadienne réfugiés dans le sud de la Libye. C’est depuis ce sanctuaire que les rebelles ont mené une incursion dans le nord du Tchad. Cette zone du Borkou-Ennedi-Tibesti (BET, du nom des trois régions administratives de l’extrême Nord du Tchad, frontalier de la Libye), est une région historiquement difficile à contrôler pour le pouvoir central, livrée aux gangs de trafiquants et aux orpailleurs illégaux.
Né en 2016 d’une scission avec l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD), une coalition de groupes rebelle fondée par l’ancien ministre de la Défense tchadien, le général Mahamat Nouri, le FACT sera lui-même ébranlé quelques mois plus tard par un nouveau schisme. Ce dernier donnera naissance au Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCSMR).
En Libye, le FACT accumule expérience et armement. Le groupe s’est d’abord engagé aux côtés des forces de Misrata, à la fois contre l’État islamique et l’Armée nationale Libyenne (ANL) du général Khalifa Haftar. Mais dans une Libye en crise où les allégeances et les alliances varient au fil du temps, le FACT a fini par se rapprocher de l’homme fort de l’est.
Sous la pression militaire de l’Armée nationale libyenne (ANL), le groupe tchadien conclut en 2017 un pacte de non-agression avec Haftar. Deux ans plus tard, il se met à son service lors de sa tentative de conquête de Tripoli.
De Reims à l’est libyen
Le FACT est dirigé par l’opposant et chef de guerre tchadien, Mahamat Mahadi Ali. Réfugié politique pendant plus de vingt-cinq ans en France, ce dernier a milité au sein du parti socialiste français et suivi des études de droit et sciences économiques à Reims.
À la fin des années 1990, cet intellectuel devient l’un des cadres du Mouvement pour la démocratie et la justice au Tchad (MDJT). Après une période de réconciliation avec le gouvernement, il occupe à partir de 2005 un poste de haut fonctionnaire au sein du ministère des Infrastructures.
En 2008, après l’échec d’un coup d’État contre le pouvoir d’Idriss Déby, il préfère fuir le Tchad, craignant à juste titre une répression brutale contre tous les opposants politiques.
En 2015, Mahamat Mahadi Ali part pour la Libye où il est chargé de réorganiser les troupes de Mahamat Nouri, le chef historique de la rébellion tchadienne, avant de créer le FACT en avril 2016.
La majorité de ces groupes rebelles est liée à la communauté Toubou. Ce vaste groupe ethnique vit de part et d’autre de la frontière comprise entre le Tchad, la Libye et le Niger. Hissène Habré, l’ancien président tchadien renversé par Idriss Déby en 1990, est un Goran, l’une des deux grandes communautés Toubous. Depuis la chute d’Hissène Habré, les Gorans sont globalement hostiles au pouvoir basé dans la capitale N’Djaména.
« Désormais, les Gorans et les Arabes vont vouloir que cela ne soit pas uniquement les Zaghawas (l’ethnie du président Déby) qui exercent le pouvoir. Ils rejettent une logique de succession dynastique », analyse Thierry Vircoulon, chercheur associé à l’Institut français des relations internationales (IFRI), sur l’antenne de France 24. « C’est pour cette raison qu’il y a des inquiétudes extrêmement fortes pour le Tchad dans les jours à venir ».
Les rebelles ont en effet rejeté catégoriquement le conseil militaire de transition mené par le fils d’Idriss Déby, Mahamat Déby, qui a consolidé sa position mercredi, avec la publication d’une nouvelle charte censée remplacer la Constitution du pays et lui conférant les fonctions de président et de commandant en chef des armées.
Le FACT peut-il marcher sur N’Djamena ?
L’histoire du Tchad est scandée par des épisodes de rébellions armées. Idriss Déby était lui-même arrivé au pouvoir à la tête de forces rebelles ayant foncé sur N’Djamena.
Ces dernières années, les accrochages ont été nombreux dans le nord du pays. Exemple, en février 2019, une colonne d’une quarantaine de rebelles de l’Union des forces de la résistance (UFR) venus de Libye avaient lancé une offensive en territoire tchadien. Après l’échec de l’aviation nationale à stopper leur progression, les rebelles avaient finalement été stoppés par des bombardements d’avions de combats français.
En août 2018, une centaine de véhicules armés du Conseil de commandement militaire pour le salut de la République (CCMSR), le groupe rebelle tchadien réputé le mieux armé, avaient pris d’assaut la localité aurifère de Kouri Bougoudi. Une incursion suivie d’une riposte militaire musclée.
Le FACT, constitué de 1 500 hommes, a-t-il les moyens de menacer N’Djamena ? Selon plusieurs analystes, si le groupe possède une forte capacité de nuisance, il reste encore relativement éloigné de la capitale.
Par ailleurs, le groupe semblait en difficulté en début de semaine. Lundi, l’armée tchadienne, a annoncé, avoir tué plus de 300 rebelles. Le FACT avait lui même reconnu avoir effectué « un repli stratégique ».
La thèse de l’assassinat
Alain Foka, l’un des derniers à avoir pu s’entretenir avec le président Déby quelques jours avant sa mort, assure que « cette rébellion ne lui faisait pas vraiment peur ». Selon le journaliste de RFI, le FACT n’a pas les moyens de déstabiliser l’armée tchadienne, l’une des plus aguerries du continent, encore moins d’atteindre Ie maréchal Idriss Déby.
« L’armée est organisée selon le modèle de la ruche », explique Alain Foka joint par France 24. « Pour pouvoir tuer la reine, il faut d’abord pouvoir tuer un grand nombre de soldats. Je ne vois donc pas comment des rebelles en déroute sont parvenus à tuer le chef ».
Le journaliste camerounais évoque également les versions contradictoires données par les combattants du FACT sur les circonstances de la mort d’Idriss Déby. Selon lui, les rebelles n’auraient pas laissé filer le corps du maréchal qui aurait constitué « un trophée de guerre extraordinaire ».
« Quand vous interrogez discrètement certains responsables tchadiens, ils sont eux-mêmes sceptiques sur le fait qu’il ait été tué sur le champ de bataille. En interne, ce n’était pas la cohésion. Il y avait des tensions et peut-être que des membres de son camp en ont profité pour lui régler son compte ».
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