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Italie: Mario Draghi joue son va-tout sur le plan de relance européen

En tant que plus gros bénéficiaire du plan de relance européen, l’Italie n’a pas droit à l’erreur: sous l’oeil attentif de Bruxelles, Mario Draghi présentera lundi au Parlement sa feuille de route pour revigorer une économie terrassée par la pandémie de coronavirus.

Afin de soutenir cette reprise de l’activité tant attendue, l’Italie rouvre en outre lundi des secteurs sinistrés comme les restaurants, cinémas ou encore des salles de concert, même si la troisième vague de l’épidémie est loin d’être terminée.

« Le plan de relance européen représente une chance à ne pas rater de développement, d’investissements et de réformes pour l’Italie », a commenté le chef du gouvernement dans la préface de son projet obtenu par l’AFP, qui doit être présenté samedi en conseil des ministres.

Mario Draghi mise sur un ambitieux plan d’investissements de 221,5 milliards d’euros sur six ans, dont 191,5 milliards financés par l’UE, axé sur la numérisation, la transition écologique avec l’accent sur l’hydrogène et les infrastructures, surtout dans le ferroviaire.

L’Italie compte combler son retard en matière d’internet haut et très haut débit, en particulier du réseau fixe, avec comme objectif de l’étendre à l’ensemble du territoire d’ici 2026.

La priorité sera aussi donnée à l’emploi des femmes et des jeunes, les premiers à perdre leurs postes en raison de la pandémie, et au Mezzogiorno, le sud défavorisé de la péninsule qui recevra 40% des fonds.

« Il y va de la crédibilité de l’Italie. Le risque est de se retrouver dans quatre ans avec des dépenses improductives que la Commission européenne ne voudra pas rembourser et avec un niveau de dette encore plus élevé », a commenté à l’AFP Tommaso Monacelli, professeur d’économie à l’Université Bocconi.

A titre d’exemple, « il ne suffit pas de prévoir l’autoroute Naples-Bari. Il faut inclure des objectifs de croissance économique et d’emplois .. en clair, si ces objectifs ne sont pas atteints, le coût de l’autoroute ne sera pas remboursé » par l’Union européenne, a-t-il expliqué.

– ‘Comme un orchestre’ –

Le plan de relance a cristallisé les tensions en Italie, provoquant même la chute du gouvernement de Giuseppe Conte en janvier.

Un manifestant lors d'un rassemblement de commerçants protestant contre les mesures de restriction à Rome, le 12 avril 2021 (AFP/Archives - Alberto PIZZOLI)

Un manifestant lors d’un rassemblement de commerçants protestant contre les mesures de restriction à Rome, le 12 avril 2021 (AFP/Archives – Alberto PIZZOLI)

L’ancien Premier ministre Matteo Renzi avait retiré son parti, Italia Viva, de la coalition, jugeant que le projet du plan manquait d’envergure.

« Nous devons montrer aux pays +frugaux+ que nous savons utiliser les fonds à bon escient. De la phase de conception à la mise en oeuvre, tout doit fonctionner de manière coordonnée, comme un orchestre », a relevé le ministre du Développement économique Giancarlo Giorgetti.

Pour apaiser la fronde des Etats du nord, dits « frugaux », menée par l’Autriche et les Pays-Bas, Bruxelles a subordonné l’octroi des 750 milliards d’euros prévus par le vaste projet de dette commune européenne à la réalisation de réformes, dont certaines risquent d’être impopulaires.

« Mario Draghi est à la tête d’un gouvernement d’unité nationale, ce qui lui donne des marges de manœuvre importantes pour mener les réformes nécessaires sans être freiné par l’émiettement des partis en Italie », a commenté à l’AFP Jesus Castillo, économiste chez Natixis.

Dès sa prise de fonctions, Mario Draghi avait égrené les futurs chantiers du gouvernement: réduire progressivement les impôts, lutter contre l’évasion fiscale, alléger la bureaucratie ou encore mettre fin aux lenteurs de la justice.

– Manque de productivité –

Toutes ces réformes avaient été réclamées avec insistance par l’Union européenne dans ses recommandations adressées à l’Italie en 2019.

Des bars et restaurants vides à Milan à cause du coronavirus, le 29 février 2020 (AFP/Archives - Miguel MEDINA)

Des bars et restaurants vides à Milan à cause du coronavirus, le 29 février 2020 (AFP/Archives – Miguel MEDINA)

Bruxelles épinglait aussi des « déséquilibres macroéconomiques excessifs », en particulier « le niveau élevé de la dette » et « l’atonie persistante de la productivité ».

De 1999 à 2019, le PIB par heure travaillée a augmenté de 4,2% en Italie, tandis qu’en France et en Allemagne, cet indicateur a progressé respectivement de 21,2% et 21,3%, note M. Draghi dans son projet.

Pour la croissance aussi, le constat est accablant: entre 1999 et 2019, le PIB de l’Italie n’a augmenté que de 7,9%. Dans le même temps, en Allemagne, France et Espagne, la progression a été respectivement de 30,2%, 32,4% et 43,6%.

L’Italie, qui a vu son PIB plonger de 8,9% en 2020, mise sur un rebond de 4,5% en 2021. Le plan de relance devrait apporter « au moins 3,6 points de pourcentage » d’ici 2026, selon M. Draghi.

« Ce qui est primordial pour l’Italie c’est d’entrer enfin dans un cercle vertueux de croissance », a commenté Giuliano Noci, professeur de stratégie à l’école Polytechnique de Milan. Et « c’est la croissance qui permettra de rembourser la dette ».

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