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« Face à des adversaires décomplexés, les Européens devraient mieux assumer l’usage de la puissance »

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Tribune. Le politologue néoconservateur Robert Kagan soutenait qu’Américains et Européens ne partageaient pas la même vision du monde, les premiers « étant de Mars », les seconds « de Vénus ». Alors que les Etats-Unis assument la conflictualité, l’Union européenne (UE) serait dans le déni de ses « compétiteurs stratégiques ». Depuis 1950, Paris s’efforce de faire naître un « hard power » européen, associé à une politique de sécurité et de défense commune (PSDC) et à un projet d’autonomie stratégique. Les résultats récents de cette politique – fonds de défense, capacités, surveillance de l’embargo libyen – sont surestimés lorsqu’il s’agit de contenir des compétiteurs stratégiques tels que la Russie ou la Chine ou, comme le disait le général de Gaulle au ministre Alain Peyrefitte, de « dissuader » un allié néanmoins concurrent comme les Etats-Unis. Les Européens peinent à se départir d’une réticence à l’usage de la puissance coercitive. Face à des adversaires décomplexés employant des leviers hybrides, militaires et non militaires, ils gagneraient pourtant à mieux l’assumer.

Une finalité plus économique que politique

Une défense commune suppose intérêts communs, compréhension partagée de l’adversaire, planification militaire et acquisition concertée de capacités employées collectivement. Cette articulation existe à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), qui constitue, selon les traités européens, une organisation de défense de l’Europe. Les progrès de la PSDC servent une finalité davantage économique (trouver des débouchés à l’industrie) que politique (assurer la sécurité des Européens face à une menace).

L’objectif d’un marché intérieur des biens de défense peine d’ailleurs à se concrétiser, car aucun membre n’est prêt à sacrifier son industrie, même non compétitive, ce qui n’incite pas les institutions de l’UE (Commission et Cour de justice) à exercer leurs compétences en ce domaine. Les Etats affectent peu les ressources du Fonds européen de défense (FED) à des programmes jugés stratégiques au regard de leurs intérêts de sécurité. Le volontarisme ne suffit pas à changer cet état de fait car, avec ou sans Trump, il n’y a ni appétence des Vingt-Sept pour le faire, ni vision commune de la menace. Le diagnostic de « mort cérébrale » de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) [par Emmanuel Macron en novembre 2019] troubla les Européens, qui considèrent toujours la puissance militaire américaine comme l’ultima ratio de leur sécurité face à une menace évaluée aujourd’hui comme d’origine principalement étatique.

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