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En Azerbaïdjan, la « sextape » devient un instrument de répression

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Narmin Shahmarzade, militante féministe azerbaïdjanaise de 22 ans, elle-même victime de cyberharcèlement, en 2021. Narmin Shahmarzade, militante féministe azerbaïdjanaise de 22 ans, elle-même victime de cyberharcèlement, en 2021.

Big Brother s’est installé dans la chambre à coucher des opposants azerbaïdjanais et « partage » des « sextapes » sur les réseaux sociaux. C’est une série aux épisodes de plus en plus fréquents, déversant sur une chaîne Telegram ou des comptes Facebook des vidéos d’ébats intimes, des photographies dénudées et des correspondances personnelles. Très souvent, les vidéos sont filmées par des caméras cachées, introduites à leur insu au domicile des victimes.

Au moins 10 femmes en ont été la proie de ce genre de campagne depuis le début de l’année contre 15 en 2020, selon l’activiste Arzu Geybulla, qui a fondé Azerbaijan Internet Watch, un site documentant ces incidents. Les victimes sont des militantes féministes, mais parfois des cibles masculines sont visées à travers le corps de femmes.

Les trois derniers cas de cyberharcèlement remontent à la fin mars et visent des opposants au régime d’Ilham Aliev. Le militant du parti Front populaire d’Azerbaïdjan Lacin Veliyev, en détention depuis le 20 mars, « s’est évanoui lorsque [ses interrogateurs] lui ont montré une vidéo intime avec son épouse. Il a indiqué ensuite qu’il était prêt à signer n’importe quels aveux à la condition que la vidéo ne soit pas rendue publique », raconte Rufat Safarov, le directeur de l’ONG azerbaïdjanaise Ligne de défense. Selon l’avocat Neimat Karimli, son client Lacin Veliyev fait depuis plusieurs mois l’objet de pressions pour l’obliger à témoigner contre l’un des dirigeants de son parti.

Le président azerbaïdjanais pointé du doigt

« Les documents intimes diffusés dans ces tentatives de chantage mettent souvent en scène des femmes pratiquant le sexe oral. C’est jouer sur le préjugé patriarcal selon lequel une femme morale ne pratique pas de fellation ; seule une prostituée s’y adonne », décrypte Narmin Shahmarzade, une militante féministe de 22 ans, elle-même victime de cyberharcèlement.

Le 28 mars, c’était le président du parti Conseil national des forces démocratiques Jamil Hasanli qui était visé à travers une vidéo montrant les ébats de sa fille. L’opposant a immédiatement pointé du doigt le président azerbaïdjanais Ilham Aliev, coupable selon lui d’orchestrer ces publications pour exercer « un chantage politique » destiné à le faire renoncer à l’activité politique.

Le 30 mars, le blogueur d’opposition Mahammad Mirzali, réfugié en France, signalait faire l’objet d’un chantage à la publication de vidéos intimes de sa sœur, restée en Azerbaïdjan. Déjà victime d’une agression ultra-violente le 14 mars à Nantes, Mahammad Mirzali n’a aucun doute sur les commanditaires. « Les services secrets d’Etat azerbaïdjanais sont derrière ce crime contre la vie privée de ma sœur, explique-t-il au Monde. C’est juste l’une des méthodes de répression utilisées contre les critiques du clan Aliev. Elles sont employées depuis longtemps mais le chantage à la vidéo intime s’est récemment intensifié. »

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