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Les coûts visibles et invisibles de la fermeture des écoles

La fierté de Jean-Michel Blanquer en a pris un coup. Le totem est tombé : en avril, les écoles de France seront fermées aux élèves. Le ministre de l’Education nationale s’y est résolu : « Nous avons trouvé une solution d’équilibre pour le mois d’avril, avec de l’enseignement à distance sur une courte durée. » Sur le papier, c’est même une très courte durée : trois à trois jours et demi d’interruption pour les plus jeunes et jusqu’à dix jours pour les collégiens et les lycéens. Un moindre mal. Qui ne devrait pas perturber le classement mondial de la France qui fait partie des pays ayant maintenu leurs écoles ouvertes le plus longtemps. « Une décision très importante », selon le ministre, qui considère que l’on a échappé au « décrochage mondial » et à la « catastrophe éducative ». « Trop de commentateurs ne voient pas ce qui se joue d’essentiel dans ce que nous sommes en train de sauvegarder. On ne saurait sous-estimer ce que pèse un tel trou d’air éducatif pour les enfants. »

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Points de PIB perdus

Les problèmes de santé mentale et psychique, de désocialisation, de malnutrition ou les violences intrafamiliales sont encore difficiles à mesurer. Mais les dégâts

économiques font d’ores et déjà sentir leurs effets. Des points de PIB que le pays perd en raison du « travail empêché » par la fermeture des écoles. 1,5 million de salariés (15 % de la population active) ont des emplois qu’ils ne peuvent pas effectuer en télétravail avec des enfants de moins de 15 ans et ils ne peuvent donc pas travailler à cause de la fermeture des écoles. L’OFCE avait établi la perte de croissance sur l’année 2020 à 0,5 point de PIB (pour les six semaines de fermeture du premier confinement). Son directeur adjoint, Mathieu Plane, a refait les calculs pour ce nouveau tour de vis : « Pour le mois d’avril, étant donné qu’il y a deux semaines de vacances, cela représenterait plutôt une baisse de 0,15 point de PIB environ sur l’année. » De son côté, le chef économiste de Natixis, Patrick Artus, trouve un impact plus conséquent, de 0,6 %, sur le PIB annuel, sur la base d’une étude de la Banque de France. Car le changement du calendrier scolaire va chambouler l’emploi du temps de deux tiers des parents durant un mois complet.

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Manque à gagner salarial

Mais ce n’est que la partie visible de l’impact de la fermeture des écoles. Les pertes d’apprentissage ont des conséquences à long terme bien plus graves. Car, savoir « lire, écrire et compter » ne fait pas seulement partie d’un patrimoine intellectuel individuel. Pour un pays, c’est un actif. Le Conseil national de la productivité, organisme de France Stratégie placé auprès du Premier ministre, a publié un rapport inquiétant en janvier : « Les retards d’apprentissage observés aujourd’hui en France suite au confinement seront persistants. Ils se traduiront par des compétences plus faibles pour tous les écoliers affectés, avec un effet négatif sur la productivité future. » Il rappelle que, de manière générale, « les jeunes entrants sur le marché du travail lors d’une récession perdent des opportunités qui se traduisent par des salaires d’environ 10 % à 15 % plus faibles pour leur premier emploi. » Et ce, indépendamment d’une scolarité chaotique.

Lors du colloque sur « le professeur au XXIe siècle », le doyen de l’école d’affaires publiques de Sciences-Po, l’économiste Yann Algan, donnait une mesure de ce handicap supplémentaire : « Une année d’éducation additionnelle augmente les salaires annuels de 9 % en moyenne. » Pour la Banque mondiale, cette rupture éducative inédite fera perdre à cette génération 10 milliards de dollars de revenu tout au long leur vie active. La théorie économique de la « croissance endogène » et du capital humain montre la relation très forte entre éducation et croissance. Le bénéfice n’est pas seulement économique. Mais sociétal : bien-être, confiance et bonne santé sont intimement liés au niveau d’éducation. Pour Jean-Michel Blanquer, cela ne fait aucun doute : « Après cette année de résilience, il viendra le temps de la renaissance. La croissance de demain s’appuiera sur trois moteurs : la santé, l’environnement et l’éducation. » Et promet un budget 2022 « très ambitieux ». Chiche !

 

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