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Les “armes fantômes”, ce phénomène bien réel que Joe Biden veut combattre

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Publié le : 09/04/2021 – 18:28

Les « armes fantômes », ces pistolets ou fusils « faits maison » et sans numéro de série, constituent l’une des priorités du plan de lutte contre les violences par arme à feu dévoilé jeudi par le président américain Joe Biden. Des armes qui inquiètent de plus en plus les autorités, leur circulation étant en forte croissance.

Les « armes fantômes » sont dans le collimateur de Joe Biden. Le président américain a fait de la lutte contre leur prolifération l’une des priorités du plan contre l’ »épidémie » de violence par arme à feu, dévoilé jeudi 8 avril.

Joe Biden a donné trente jours au ministère de la Justice pour trouver une solution au problème de ces « armes fantômes ». Leur nom vient du fait qu’elles ne sont pas traçables et n’existent pas, à l’heure actuelle, au regard de la loi.

Montage des kits en quelques heures

Pourtant, ces armes sont bien réelles. Il s’agit d’armes à feu faites maison, à partir de pièces détachées envoyées par un fabricant ou en utilisant une imprimante 3D. Une fois assemblés ou « imprimés », ces pistolets ou fusils sont similaires aux armes vendues dans le commerce à un détail près : ils n’ont pas de numéro de série, ce qui les rend « invisibles » pour les autorités, incapables d’en identifier l’origine. Pas besoin non plus de se soumettre à une vérification de ses antécédents pour s’en procurer. Deux « avantages » qui les « rendent particulièrement attrayants pour les gangs et les criminels », écrit le blog juridique Lawfare.

Les « armes fantômes » les plus communes sont celles arrivant sous forme de kits. Surnommés « 80 % receivers », ces colis contiennent des pièces détachées représentant 80 % du produit fini, soit juste « en dessous du seuil pour que ce soit considéré comme des armes à feu au regard de la loi », écrivait Josh Shapiro, le procureur général de Pennsylvanie, dans sa lettre du 21 mars adressée au ministère de la Justice pour réclamer des mesures contre ces kits.

Car une fois que l’acheteur a reçu un kit, « c’est relativement facile et amusant à assembler », note le New York Times, qui en a fait l’expérience. Le journaliste qui s’est procuré les pièces détachées en ligne pour quelques centaines de dollars a mis « six heures pour finir le travail, mais ça peut être fait beaucoup plus vite par quelqu’un qui a l’habitude de bricoler », écrit-il.

Des impressions en 3D légales

L’autre technique consiste à utiliser une imprimante 3D. Cette méthode doit beaucoup aux efforts de Cody Wilson, un Texan libertarien qui a été le premier, en 2013, à démontrer qu’il était possible de fabriquer un fusil d’assaut dans son garage. Depuis, les schémas pour donner naissance à toutes sortes d’armes se sont multipliés en ligne. Le procédé a encore gagné en popularité après une décision de justice en 2018 reconnaissant la légalité de cette utilisation controversée des imprimantes 3D.

Mettre un terme à ce vide juridique permettant à tout un chacun, avec ou sans casier judiciaire, de se procurer une arme à feu est une demande de longue date des militants pour des lois plus strictes sur la détention d’armes aux États-Unis. Mais pourquoi Joe Biden a-t-il décidé d’en faire une des priorités de son plan ?

L’ampleur du problème est difficile à apprécier. Par définition, le nombre de ces « armes fantômes » en circulation est impossible à établir, puisqu’elles ne sont enregistrées nulle part. Les rares données disponibles suggèrent que cet « artisanat » représente une goutte d’eau dans l’océan des près de 40 millions d’armes vendues aux États-Unis en 2020. Il n’y a ainsi eu que 10 000 « armes fantômes » confisquées en 2019 dans le cadre d’enquêtes policières sur tout le territoire américain, selon les chiffres du Bureau of Alcohol, Tobacco and Firearms (ATF, l’agence qui applique la réglementation sur les armes à feu).

Un phénomène en forte croissance

Mais c’est la dynamique qui inquiète les autorités. En Californie, par exemple, plus de 40 % des armes impliquées dans des affaires criminelles étaient « faites maison » en 2019, a indiqué la police californienne. Cinq ans plus tôt, il n’y en avait presque aucune. Même tendance à Washington, où les autorités ont constaté que le nombre d’ »armes fantômes » saisies a été multiplié par plus de trois entre 2018 et 2019, puis encore par deux en 2020.

Il semblerait aussi que les « armes fantômes » aient profité d’un effet pandémie. Plus d’une dizaine de fabricants de « 80 % receivers » ont reconnu être débordés par la demande depuis mars 2020, d’après les auteurs d’une étude sur la menace de ces armes, publiée par Everytown, l’association contre la prolifération des armes à feu fondée par l’ex-maire de New York Michael Bloomberg. Interrogé par le site Vice, l’un de ces vendeurs de pièces d’armes détachées a comparé le début de la pandémie à un « long Black Friday » pour le secteur et mis cet engouement sur le compte du besoin de se « sentir protégé en cette période de grande incertitude ».

Autre source d’inquiétude, ces armes à feu ont été utilisées lors d’au moins trois tueries de masse depuis 2013. La fusillade dans un lycée de Santa Clarita (Californie) en novembre 2019 est le dernier exemple en date du danger de ces « armes fantômes ». L’adolescent qui a tué trois lycéens avant de se donner la mort avait volé l’arme que son père, jugé mentalement trop instable pour avoir le droit d’acheter une arme, s’était fabriquée.

Joe Biden a donc choisi un thème médiatiquement porteur pour promouvoir son plan. Et le fait que le phénomène reste encore marginal au regard de l’ensemble des armes vendues peut être un avantage pour lui, veut croire le blog Lawfare. Les républicains pourraient plus facilement se rallier à une cause qui ne concerne pas l’ensemble des armes à feu.  

Il n’empêche que la très influente National Rifle Association (NRA) veille au grain même sur le sujet. Elle s’était ainsi opposée, en février 2021, à un projet de loi dans l’État de New York pour réglementer les « armes fantômes », jugeant qu’il s’agissait « d’un terme inventé pour faire peur » et « d’un problème imaginaire ». Qu’importe si les victimes, elles, sont tout sauf imaginaires.

Source

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