France World

Election présidentielle à Djibouti : Ismaïl Omar Guelleh en route pour un cinquième mandat

https://img.lemde.fr/2021/04/08/476/0/5423/2705/1440/720/60/0/3bb26e3_144853332-000-97l2fn.jpg

Pour ne rien manquer de l’actualité africaine, inscrivez-vous à la newsletter du « Monde Afrique » depuis ce lien. Chaque samedi à 6 heures, retrouvez une semaine d’actualité et de débats traitée par la rédaction du « Monde Afrique ».

Des affiches de campagne reproduisent les initiales du président Ismaïl Omar Guelleh, à Djibouti, le 8 avril 2021. Des affiches de campagne reproduisent les initiales du président Ismaïl Omar Guelleh, à Djibouti, le 8 avril 2021.

A Djibouti, l’UMP existe toujours et, contrairement à son homonyme française, elle semble solidement arrimée au sommet de l’Etat. Après vingt-deux ans au pouvoir, son champion, le président Ismaïl Omar Guelleh, brigue vendredi 9 avril un cinquième mandat. Un scrutin que l’indéboulonnable locataire du palais d’Haramous est, une fois de plus, assuré d’emporter.

Alors qu’il avait dû faire face à six autres candidats en 2016, le chef de l’Etat, 73 ans, concourt cette année contre un adversaire unique, l’homme d’affaires Zakaria Ismaïl Farah. Fraîchement débarqué en politique et relativement méconnu, ce dernier est perçu comme un paravent du régime. Les principaux opposants, eux, sont en exil et leurs formations, réunies pour certaines sous la bannière de l’Union pour le salut national (USN), ont appelé au boycott.

« Djibouti reste un Etat rentier dirigé par un régime clientéliste et népotique », pointe Sonia Le Gouriellec, spécialiste de la Corne de l’Afrique. Si des manifestations de quelques dizaines de personnes ont émaillé la campagne, le pays n’a pas connu de poussée de fièvre comparable à la contestation qui avait éclaté en juin 2020 pour protester contre les conditions d’incarcération du lieutenant de l’armée de l’air Fouad Youssouf Ali. Le militaire, qui avait fui vers l’Ethiopie avant d’être extradé, s’était fait connaître quelques mois plus tôt en publiant une vidéo dans laquelle il dénonçait les discriminations qu’il subissait en raison de son origine tribale. Il a depuis été oublié.

« Malgré la virulence dont l’opposition fait preuve sur les réseaux sociaux, une certaine lassitude domine sur place, observe Sonia Le Gouriellec. Le pouvoir parvient à acheter la paix sociale avec quelques financements et des distributions de “khat” [une plante très consommée dans la Corne de l’Afrique et au Yémen, dont les feuilles mâchées ont des effets psychotropes]. Mais la population ne se fait pas d’illusions : quand ils évoquent les belles maisons en construction dans la capitale, les Djiboutiens parlent du “quartier des voleurs”. »

Ni « Singapour africain », ni simple « pays à casernes »

C’est tout le paradoxe de ce territoire de 23 200 km2 peuplé de près d’un million d’habitants : malgré sa surface diplomatique et les ambitions économiques affichées par la présidence, le pays n’est pas devenu, loin s’en faut, un « Singapour africain ». Bien que l’activité ait résisté en 2020 (– 1 % ), il figure toujours à la 166e place sur 189 en matière de développement humain. Le chômage, endémique, touche plus de 60 % de la population, particulièrement les moins de 30 ans.

Ismaïl Omar Guelleh – le deuxième président depuis l’indépendance en 1977 – a su indéniablement capitaliser sur la situation privilégiée de Djibouti face à l’un des corridors maritimes les plus empruntés au monde, à la jonction du golfe d’Aden et de la mer Rouge. Pas moins de cinq Etats étrangers y ont des emprises militaires : la France, ancienne puissance coloniale, mais aussi les Etats-Unis, le Japon, l’Italie et, depuis 2017, la Chine. Des éléments des forces allemandes et espagnoles sont également présents.

Pour autant, l’ancien Territoire français des Afars et des Issas n’est plus seulement un « pays à casernes ». Tiré par le dynamisme industriel du grand voisin éthiopien – dont il est le principal débouché maritime depuis l’indépendance de l’Erythrée – et par le développement des infrastructures logistiques et portuaires, son PIB est passée en quinze ans de 700 millions à plus de 3 milliards de dollars (plus de 2,5 milliards d’euros). Une croissance qui se reflète dans le gigantesque port multifonction de Doraleh, l’essor des zones franches et, plus récemment, la construction d’une usine de dessalement d’eau de mer qui devrait permettre à terme à 250 000 personnes d’accéder à l’eau potable.

« L’un des enjeux des cinq années à venir sera la succession »

« Le visage de Djibouti a changé, note Sonia Le Gouriellec. Seulement, en voulant sortir du tête-à-tête avec la France et en faisant jouer les rivalités étrangères, le pays est tombé dans une autre dépendance, vis-à-vis de la Chine cette fois. » Comme ailleurs en Afrique, le boom des infrastructures s’est en effet traduit par un endettement colossal. Après réévaluation, le Fonds monétaire international (FMI) a estimé fin 2019 que la dette djiboutienne se situait désormais autour de 70 % du PIB. D’après le dernier rapport de la Banque africaine de développement (BAD), 57 % de ces emprunts sont détenus par des intérêts proches de Pékin, soit près de 1,2 milliard de dollars.

C’est peu en comparaison des prêts contractés par un pays comme l’Ethiopie, mais énorme pour un petit Etat à 90 % désertique et dont les ressources dépendent presque intégralement de la vitalité du commerce. Or les échanges régionaux ont pâti de la crise sanitaire liée au Covid-19 et de la guerre déclenchée en novembre par le premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, dans la région du Tigré. Un ralentissement qui a pesé sur l’activité des ports.

Si les autorités djiboutiennes se sont tenues à l’écart du conflit éthiopien, Ismaïl Omar Guelleh a tout à craindre du rapprochement en cours entre Addis-Abeba et Asmara. Le président érythréen, Isaias Afewerki, est un « poison », lui répétait Hassan Gouled Aptidon, son prédécesseur à la tête de Djibouti, et le port d’Assab, sur la côte érythréenne, pourrait devenir un sérieux concurrent si l’Ethiopie envisageait de s’assurer un nouvel accès à la mer.

Le président djiboutien aura donc fort à faire pour consolider son bilan au terme de ce qui s’annonce comme son dernier mandat. La Constitution, parce qu’elle limite l’âge des candidats à la présidence à 75 ans, ne permettra théoriquement plus à « IOG » de se représenter. « L’un des enjeux des cinq années à venir sera la succession, souligne Sonia Le Gouriellec. On a parlé de son beau-fils, du ministre de l’économie… Depuis plusieurs mois, il est question du chef du port, celui qu’on appelle “l’homme des Chinois”. »

Source

L’article Election présidentielle à Djibouti : Ismaïl Omar Guelleh en route pour un cinquième mandat est apparu en premier sur zimo news.