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Après un ultimatum, l’Arabie saoudite déroule le tapis rouge aux multinationales

Suspendus à des gratte-ciel de verre sous un soleil écrasant, des ouvriers mettent les dernières touches au très attendu nouveau quartier financier de Ryad, l’Arabie saoudite espérant ainsi concurrencer Dubaï et devenir un carrefour pour les entreprises étrangères dans le Golfe.

King Abdullah Financial District (KAFD), un projet de plusieurs milliards de dollars annoncé en 2006, doit être officiellement ouvert dans les prochains mois, ont indiqué plusieurs sources à l’AFP, après d’importants retards et surcoûts.

Situé au coeur de la capitale, ce quartier veut capitaliser sur l’ultimatum lancé en février par le gouvernement aux entreprises étrangères: celles qui souhaitent obtenir des contrats publics avec la plus grande économie arabe devront y installer leur siège régional d’ici 2024.

Un défi adressé à Dubaï, clinquant émirat voisin devenu ces dernières années le centre pour les affaires dans la région, au moment où l’Arabie saoudite, premier exportateur de pétrole, s’efforce d’attirer des investissements étrangers pour diversifier son économie, minée par la crise sanitaire et la baisse des prix du brut.

Avec ses 1,6 million de mètres carrés de gratte-ciels et de verdure, pourvu d’une mosquée en forme de rose du désert, KAFD est « un géant endormi qui se prépare au réveil », observe un consultant proche du projet.

– « Tordre le bras » –

Vue du nouveau quartier financier de Ryad, le 16 mars 2021 (AFP/Archives - Fayez Nureldine)

Vue du nouveau quartier financier de Ryad, le 16 mars 2021 (AFP/Archives – Fayez Nureldine)

Estampillé zone économique spéciale, le quartier permet aux entreprises une exemption d’impôts sur les sociétés pendant 50 ans, un traitement « préférentiel » pour les contrats gouvernementaux et une dérogation de dix ans à la politique publique de « saoudisation » visant à réserver des emplois aux Saoudiens, selon un document consulté par l’AFP.

Les incitations, présentées de manière confidentielle à plusieurs multinationales, sont susceptibles d’être modifiées à l’approche du lancement, selon des consultants au fait des discussions.

Le Fonds public d’investissement (PIF), propriétaire du projet, s’attend à une « forte demande », selon plusieurs sources. La direction de KAFD a décliné toute demande de commentaire.

L’Arabie saoudite cherche à attirer jusqu’à 500 multinationales à Ryad, selon les médias locaux, quand Dubaï accueille environ 140 sièges, le record du Moyen-Orient.

Le groupe hôtelier indien Oyo et le fonds d’investissements et incubateur 500 Startups ont déclaré à l’AFP qu’ils allaient installer leur siège régional à KAFD et certaines entreprises saoudiennes, comme le géant bancaire Samba, ont déjà commencé à y opérer.

Vue du nouveau quartier financier de Ryad en construction, le 16 décembre 2020 (AFP/Archives - Fayez Nureldine)

Vue du nouveau quartier financier de Ryad en construction, le 16 décembre 2020 (AFP/Archives – Fayez Nureldine)

Mais le quartier a été planifié « sans tenir compte de sa faisabilité économique » et « atteindre des taux d’occupation décents sera très difficile », selon un document public.

Certains dirigeants occidentaux critiquent en privé l’ultimatum saoudien, y voyant un moyen de « tordre le bras » des entreprises.

« Mais si le choix est +travail ou pas de travail+, les gens iront », confie à l’AFP un cadre financier basé à Dubaï.

– « Les enchères montent » –

Avec une population de 34 millions d’habitants, l’Arabie saoudite dispose du plus grand marché de la région et offre des contrats lucratifs dans divers mégaprojets valant des centaines de milliards de dollars. Nombreuses sont les entreprises basées à Dubaï travaillant déjà essentiellement sur le marché saoudien.

Pour Sam Blatteis, cofondateur du Middle East High Tech Business Council, basé dans l’émirat, l’ultimatum « fait monter les enchères » pour les entreprises souhaitant obtenir des contrats avec le gouvernement.

Mais la question de savoir si celles qui ciblent directement les consommateurs saoudiens viendront s’y installer reste ouverte, explique à l’AFP ce consultant pour des dizaines d’entreprises envisageant de se développer en Arabie saoudite.

Si le royaume a légèrement assoupli ses règles ultraconservatrices, autorisant les cinémas, les concerts et les compétitions sportives, il reste loin du mode de vie relativement libéral qui a fait le succès de Dubaï auprès des riches expatriés.

Les rails du métro lors d'un test de la ligne desservant le nouveau quartier financier de Ryad, le 1er avril 2021 (AFP/Archives - Fayez Nureldine)

Les rails du métro lors d’un test de la ligne desservant le nouveau quartier financier de Ryad, le 1er avril 2021 (AFP/Archives – Fayez Nureldine)

« Lorsqu’on demande à des cadres européens +Quand allez-vous déménager votre siège social en Arabie saoudite?+, la réponse est généralement: +Quand allez-vous autoriser l’alcool?+ », raconte à l’AFP un diplomate basé dans le Golfe.

Les responsables saoudiens ont publiquement exclu de lever l’interdiction absolue de l’alcool et minimisent les rumeurs de rivalité avec Dubaï.

« Dubaï a été construit sur nos lacunes (saoudiennes) », aurait pourtant déclaré le roi Salmane, a affirmé un consultant à l’AFP, ajoutant que « l’époque où les cadres pouvaient travailler en Arabie saoudite pendant cinq jours et rentrer à Dubaï pour le week-end est révolue ».

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