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Ikea: l’ancien PDG nie avoir ordonné la surveillance des salariés

« Grotesque » ou « choquant »: les anciens dirigeants d’Ikea France, poursuivis pour avoir espionné des centaines de leurs salariés, se sont renvoyé la responsabilité de ces accusations à l’occasion d’échanges souvent houleux vendredi devant le tribunal de Versailles.

Jeudi, l’ancien « Monsieur sécurité » d’Ikea France, Jean-François Paris, avait décrit les « contrôles de masse » de salariés, dont des syndicalistes, mis en place par l’entreprise via des sociétés d’investigation privées qui, selon l’accusation, piochaient dans des fichiers policiers des données confidentielles comme les antécédents judiciaires, le train de vie ou le patrimoine des intéressés.

Mais s’il reconnaît l’existence du système, M. Paris ne compte pas en assumer seul la généralisation: il a maintes fois répété avoir suivi une consigne formulée en 2007 par l’ex-PDG Jean-Louis Baillot lors d’un repas à la cafétéria dans les locaux de la filiale dans les Yvelines.

« C’est ridicule, grotesque. Vous imaginez (…) discuter d’un sujet aussi sensible, à côté de tous les collaborateurs ? », a réagi vendredi à la barre M. Baillot, 67 ans. « Je ne sais même pas comment on peut dire des âneries pareilles », a poursuivi l’homme aux cheveux grisonnants, treillis noir et pull bleu marine.

« Jean-François Paris avait toute autonomie pour travailler, il n’avait pas à me rendre des comptes », insiste-t-il en rappelant qu’il n’était pas son supérieur hiérarchique direct.

M. Paris « aurait pu prendre une telle initiative sans en avertir la hiérarchie ? Pendant dix ans ? « , demande la présidente.

« Oui », répond sans hésiter l’ancien patron, sous les rires des parties civiles.

– « Boîte aux lettres » –

Jean-François Paris, directeur de la gestion des risques d’Ikea France de 2002 à 2012, a raconté avoir transmis des listes de personnes « à tester », notamment à la société d’investigations privée Eirpace.

Jean-Louis Baillot admet avoir signé deux factures au nom de cette société, mais sans en connaître la teneur.

« Que regardez-vous quand vous signez une facture ? », s’enquiert la présidente.

« Juste qui l’a signée et le montant. Moi, je suis pas contrôleur », lâche M. Baillot.

Suite à la révélation de l’affaire en 2012 dans le Canard Enchaîné et Mediapart, ce dernier avait été licencié. Il encourt jusqu’à dix ans d’emprisonnement.

A la barre, il n’est pas le seul à infirmer les propos de M. Paris.

D’une voix souvent brisée par l’émotion, son ex-directrice adjointe Sylvie Weber nie avoir été informée de l’illégalité des pratiques de surveillance. Elle assure n’avoir été qu’une « boîte aux lettres » entre M. Paris et des directeurs de magasins.

« J’en veux à M. Paris, car il a reconnu durant les audiences qu’il savait que c’était illégal, et je suis outrée, je n’ai pas de mots… », déclare-t-elle, les paumes des mains tournées vers le ciel comme pour implorer le pardon.

« Si j’avais su à l’époque, je n’aurais jamais obtempéré à une telle demande », dit-elle au sujet d’une liste de noms qu’elle a transmise pour le magasin de Reims.

« Pour vous, à l’époque, demander des antécédents judiciaires de salariés, sans qu’ils le savent, ce n’était pas illégal ? », ironise Sofiane Hakiki, un avocat des parties civiles. « Chez Ikea, on ne se pose jamais de question alors qu’on est cadre ? », tacle à son tour la procureure, Paméla Tabardel.

– « Initiatives isolées » –

L’accusation reproche également à Mme Weber d’avoir, après la révélation de l’affaire dans la presse, vidé un coffre-fort avec des documents pouvant servir à l’enquête. « J’ai paniqué », se défend-elle, en assurant avoir remis quelques jours plus tard « l’intégralité des documents ».

Un autre ancien PDG figure parmi les prévenus: Stefan Vanoverbeke (2010-2015), qui a succédé à M. Baillot.

« La question est de savoir si le système pouvait être ignoré à votre niveau », lui rappelle la présidente, soulignant que le dossier était dépourvu de « documents » le « mettant en cause » dans cette affaire.

A la barre, ce Belge de grande taille se dit « choqué de ces méthodes », y voyant des « initiatives isolées » mais pas une « politique d’Ikea ».

Même défense du côté de la filiale française d’Ikea, qui encourt jusqu’à 3,75 millions d’euros d’amende.

« Tout ce que j’entends depuis trois jours est choquant et complètement en contradiction avec les valeurs d’Ikea », affirme Karine Havas, sa représentante légale et actuelle directrice financière.

Elle ne peut toutefois répondre à un avocat des parties civiles qui lui demande quelles réparations l’enseigne a apportées aux salariés surveillés. « Jusqu’à preuve du contraire on a le droit à la présomption d’innocence », lâche-t-elle.

Le procès reprend lundi, avec les plaidoiries des parties civiles.

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