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La signature des accords d’Évian le 18 mars 1962 constitue un événement historique dans l’histoire des relations entre l’Algérie et la France. Retour sur un texte qui a précipité la fin de la guerre d’Algérie et cherché à définir les futurs rapports entre les deux pays.
Après deux années de contacts et de négociations secrètes et 11 jours de pourparlers au bord du lac Léman, les accords d’Évian sont signés, le 18 mars 1962, par Louis Joxe, alors ministre français chargé des affaires algériennes et Krim Belkacem, colonel de l’Armée de libération nationale, au nom du Gouvernement provisoire de la République algérienne (GPRA).
Des accords historiques qui vont permettre de mettre un terme aux combats engagés depuis le 1er novembre 1954 en Algérie, où se déroule une guerre qui ne dit pas son nom, et à 132 ans de colonisation française.
« À la plus longue, à la plus meurtrière, à la plus bête des guerres coloniales, Évian vient de mettre fin de la manière la plus intelligente, la plus courageuse, la plus humaine : sur une promesse de réconciliation entre belligérants », écrit Mohamed Masmoudi, homme politique et journaliste algérien, dans un article publié par Jeune Afrique, dans un numéro daté du 19 au 26 mars 1962.
Régler le conflit et préparer l’avenir
Le texte, composé de 93 pages, fixe les conditions du règlement du conflit et définit les futurs rapports entre la France et l’Algérie « si la solution d’indépendance et de coopération est adoptée », et prévoyait surtout un cessez-le-feu imposé autant aux combattants du Front de libération nationale (FLN) qu’à l’armée française, qui devait entrer théoriquement en vigueur le lendemain, le 19 mars.
Toutefois sur le terrain, le chaos, les règlements de compte et les violences se poursuivront de longs mois après la signature des accords, qui stipulaient pourtant que « nul ne pourra faire l’objet de mesures de police ou de justice, de sanctions disciplinaires ou d’une discrimination quelconque à raison d’opinions émises ou d’actes commis à l’occasion des événements ».
Mais le soir même du 18 mars 1962, le général de Gaulle, qui ne prononce à aucun moment le mot » accords » dans son allocution télévisée enregistrée à l’Élysée, estime que « la conclusion du cessez-le-feu en Algérie, les dispositions adoptées pour que les populations y choisissent leur destin, la perspective qui s’ouvre sur l’avènement d’une Algérie indépendante coopérant étroitement avec nous, satisfont la raison de la France. » Il conclut en espérant que les deux peuples pourront » marcher fraternellement ensemble sur la route de la civilisation ».
Fin de la conférence d’Évian
Les accords comprenaient en effet l’organisation d’un référendum d’autodétermination de chaque côté de la Méditerranée. « La formation, à l’issue de l’autodétermination d’un État indépendant et souverain paraissant conforme aux réalités algériennes et, dans ces conditions, la coopération de la France et de l’Algérie répondant aux intérêts des deux pays, le Gouvernement français estime avec le F.L.N. que la solution de l’indépendance de l’Algérie en coopération avec la France est celle qui correspond à cette situation”, est-il écrit.
Le 8 avril, les électeurs français se prononcent sur les accords d’Évian, qu’ils approuvent à une très large majorité (90,81 %). Toutefois, les Français d’Algérie étaient exclus du scrutin. Côté algérien, le 1er juillet 1962, le « oui » l’emporte encore plus massivement avec 99,72 % des suffrages exprimés, et pave la voie à la proclamation de l’indépendance de l’Algérie, le 5 juillet.
Le document signé à Évian, qui ne sera pas respecté à la lettre selon les historiens, traite également de la coopération économique financière, technique et culturelle entre les signataires. « Les relations entre les deux pays seront fondées, dans le respect mutuel de leur indépendance, sur la réciprocité des avantages et l’intérêt des deux parties”, précisent les signataires.
Qui ajoutent : « L’Algérie garantit les intérêts de la France et les droits acquis des personnes physiques et morales dans les conditions fixées par les présentes déclarations. En contrepartie, la France accordera à l’Algérie son assistance technique et culturelle et apportera à son développement économique et social une aide financière privilégiée ».
Concrètement, la France s’engage ainsi à évacuer progressivement ses troupes et à maintenir son aide économique pendant trois ans, en échange de la préservation de certains de ses intérêts comme la poursuite de l’extraction du pétrole et du gaz par des sociétés françaises. Mais aussi de considérations militaires comme la libre disposition de la base navale de Mers-el-Kébir et de plusieurs aérodromes algériens, la poursuite des expériences nucléaires, et le maintien de plusieurs dizaines de milliers de soldats français sur le sol algérien.
Conformément au texte de l’accord, les Européens restés en Algérie doivent décider soit de rester français soit de demander la nationalité algérienne dans un délai de trois ans. Il est également stipulé qu’aucun Algérien « ne peut être contraint à quitter le territoire ni empêché d’en sortir » et que la sécurité des personnes et des biens des Français d’Algérie sont garanties.
Réconcilier les mémoires
Synonymes en 1962 de soulagement pour des millions de Français impatients de voir cette guerre cesser, et d’aboutissement de la lutte pour l’indépendance pour des millions d’Algériens, ces accords sont également synonymes d’exode et de douleur pour les Français et les Européens d’Algérie. Mais aussi de colère et de désillusion pour les partisans de l’Algérie française et les antigaullistes, et même pour les partisans de la violence, avec les actions violentes de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) pour garder « l’Algérie française« qui se multiplient après le 18 mars, sur les territoires algérien et français à la fois.
Si le caractère historique des accords n’est pas contesté, aujourd’hui encore, ils ne font pas l’unanimité. Un grand nombre d’associations de harkis et de rapatriés d’Algérie considèrent que la signature des accords d’Évian est l’élément déclencheur de l’exode des pieds-noirs (les Français qui vivaient en Algérie au moment du conflit).
Elles rejettent également la commémoration du conflit le 19 mars, date de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, en rappelant que les affrontements et les exactions se sont poursuivis bien après (fusillade de la rue d’Isly à Alger le 26 mars 1962, enlèvements et assassinats de harkis à partir de l’été 1962 et d’Européens à Oran le 5 juillet de la même année).
Né après la fin du conflit, le président français, Emmanuel Macron, entend réconcilier les mémoires et dépassionner le débat alors que 59 ans après les accords d’Évian, la mémoire de l’histoire de la guerre d’Algérie reste un sujet très sensible dans les rapports franco-algériens, mais aussi au sein même de la classe politique française.
Depuis le début de l’année, le chef de l’État a multiplié les gestes d’apaisement en direction d‘Alger, notamment après avoir reçu, le 20 janvier, le rapport de l’historien Benjamin Stora sur « les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie ».
Après la reconnaissance, le 2 mars, « au nom de la France », que l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel avait été « torturé et assassiné » par l’armée française en 1957, le président a décidé de faciliter, à partir du 10 mars, les procédures de déclassification des archives de plus de 50 ans, notamment en ce qui concerne les documents relatifs à la guerre d’Algérie.
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