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Thomas Piketty : « Il est urgent de mettre en place un véritable modèle de lutte contre les discriminations, qui mesure le racisme »

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Rassemblement contre l’antisémitisme et le racisme, sur la place Ilan Halimi, à Paris, le 14 février. Rassemblement contre l’antisémitisme et le racisme, sur la place Ilan Halimi, à Paris, le 14 février.

Alors que le procès du meurtrier de George Floyd s’ouvre aux Etats-Unis, les conflits identitaires s’enveniment en Europe et en France. Au lieu de lutter contre les discriminations, le gouvernement s’est lancé dans la course-poursuite avec l’extrême droite et la chasse aux chercheurs en sciences sociales. C’est d’autant plus regrettable qu’il est urgent de mettre en place un véritable modèle français et européen de lutte contre les discriminations. Un modèle qui assume la réalité du racisme et se donne les moyens de le mesurer et de le corriger, tout en replaçant la lutte contre les discriminations dans le cadre plus général d’une politique sociale à visée universaliste.

Commençons par la question de la mesure du racisme. De multiples recherches en ont démontré la réalité, mais nous manquons d’un véritable Observatoire des discriminations objectivant les faits et en assurant le suivi annuel. Le Défenseur des droits, qui a remplacé la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) en 2011, rappelle dans ses rapports l’ampleur des discriminations face à l’emploi ou au logement, mais ne dispose toujours pas des moyens permettant d’en faire un suivi systématique.

« Comme l’antisémitisme ou l’homophobie, l’islamophobie n’est pas une fatalité et peut être vaincue »

Par exemple, dans une étude conduite en 2014 sous l’égide de l’Institut Montaigne, les chercheurs ont envoyé des faux CV à des employeurs en réponse à quelque 6 231 offres d’emploi et ont observé les taux de réponse sous forme de proposition d’entretien d’embauche. Dès lors que le nom est à consonance musulmane, le taux de réponse est divisé par quatre. Les noms à consonance juive sont également discriminés, quoique moins massivement. Le problème est que cette étude n’a pas été renouvelée, si bien que personne ne sait si la situation s’est améliorée ou dégradée depuis 2014.

Il est urgent de disposer d’un Observatoire officiel chargé de dire comment ces indicateurs évoluent annuellement. Cela exige des campagnes de tests de grande ampleur permettant de pouvoir faire des comparaisons fiables dans le temps et entre régions et secteurs d’activité. Il est également essentiel de mesurer dans quelle mesure la discrimination se concentre au sein d’une fraction des employeurs. Comme l’antisémitisme ou l’homophobie, l’islamophobie n’est pas une fatalité et peut être vaincue. Le débat sur le terme doit aussi avoir lieu : certains préfèrent parler d’antimusulmanisme ou de discrimination antimusulmans. Pourquoi pas, mais à condition que cela n’empêche pas d’avancer sur le fond.

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