En imagesLe projet Déflagrations s’est donné pour mission de préserver et de montrer des dessins réalisés par des enfants en situation de conflit. Il a mis à disposition du « Monde » une partie de ses archives sur la guerre en Syrie.
Dix ans après le début de la guerre, accéder à la Syrie est devenu difficile pour les journalistes et les photographes. A la censure imposée par le régime et son allié russe, se sont greffées des restrictions aux frontières contrôlées par la Turquie et l’Irak. La peur qui bâillonne les Syriens est un autre obstacle quasi infranchissable. Comment, dès lors, montrer la Syrie ; provoquer la rencontre nécessaire au reportage, à l’enquête ?
A défaut d’enclencher le dialogue sur le terrain du réel, nous avons décidé de publier des dessins d’enfants originaires de Deraa, de Rakka, d’Alep ou d’ailleurs. Les partager, c’est rendre à la jeunesse un peu de son droit à l’expression – liberté qu’elle avait revendiquée avec panache, en 2011 – et explorer sa version de l’histoire.
Durant ce conflit, aucune des violences (bombardements, combats, détention, torture…) infligées aux adultes n’a été épargnée aux enfants. Les plus jeunes ont été la cible de massacres de représailles à caractère ethnique, de kidnappings et de détention pour rançonner ou faire plier leurs aînés.
Leur rôle ne se limite pas à celui de victime. En inscrivant sur le mur d’une école le premier slogan révolutionnaire, ils furent des initiateurs du soulèvement populaire, des acteurs dans les manifestations, des enfants-soldats. Partout et toujours, les témoins directs de la guerre et de l’exil.
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Ces dessins, réalisés entre 2012 et 2020 dans des écoles syriennes ou dans des camps de réfugiés en Jordanie, en Turquie ou en Grèce, ont rejoint le corpus de « Déflagrations », un projet qui a pour mission de sauvegarder et de montrer ces regards uniques, portés sur les conflits en Syrie et dans le monde depuis la première guerre mondiale. Une partie de ces archives est actuellement exposée au Mucem, à Marseille, et publiée dans le catalogue « Dessins d’enfants et violences de masses », sous la direction de Zérane S. Girardeau (coédition Mucem-Lienart, 2021). En s’exprimant, les enfants syriens – au même titre que les adultes – encourent toutes sortes de châtiments. Leur anonymat a donc été préservé.
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Mystérieux ou remarquablement précis, leurs traits de crayon mêlent des éléments aussi disparates qu’une fleur et une scène de décapitation. Des atrocités connues, mais la question n’est pas là. Chaque parent le sait : l’enfant ne conserve qu’exceptionnellement son dessin. Celui-ci est offert, confié, ou déposé à qui voudra bien le regarder. Ce que ces dessins interrogent, c’est notre réceptivité, notre responsabilité, une fois dépositaires de leur mémoire.
Animation d’un dessin réalisé en 2012 par un garçon syrien âgé de 8 ans, réfugié en Turquie.
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