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« On résiste avec pas grand-chose » : au Darfour, les derniers rebelles du djebel Marra

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Par Eliott Brachet

Publié aujourd’hui à 06h00

Le commandant Jackson fait mine de tirer sur un couple de rapaces. Posté, avec une trentaine de soldats, au sommet d’un massif volcanique culminant à 3 042 mètres, il est chargé d’assurer la défense anti-aérienne du quartier général de l’Armée de libération du Soudan (ALS). « Le djebel Marra représente la terre de nos ancêtres. Je l’ai dans la peau. Elle est mon sang et ma couleur noire. On la protégera et on mourra pour elle », lance-t-il, aux manettes d’une mitrailleuse Douchka.

Depuis le début des années 2000, les plus hautes montagnes du Soudan abritent une rébellion armée qui n’a jamais été délogée par le pouvoir central. Dressé en plein cœur du Darfour, une région grande comme la France, le djebel Marra est cerné par les forces gouvernementales. D’après l’ALS, entre 60 000 et 70 000 rebelles leur font face. Un nombre qui paraît largement surévalué et inclut sans doute les partisans civils du mouvement présents dans la montagne et dans les camps de déplacés.

Mégot au coin des lèvres, le regard du commandant Jackson se durcit lorsqu’il évoque son enrôlement au sein de la rébellion. « C’était en avril 2003. J’avais 18 ou 19 ans. Des pick-up Nissan chargés de miliciens ont fait irruption dans mon village d’Asalaya, dans l’est du Darfour. Ils ont décimé des civils sans arme, tué des vieillards et incendié nos baraques. J’étais caché dans un coin et j’ai vu des hommes brûler une famille vivante dans sa maison. On aurait dû accepter ça sans broncher ? », fulmine-t-il. Depuis ce jour, Jackson Bark n’a plus pris de nouvelles des siens. Il a fui à travers la forêt, changé de nom, quitté la vie légale pour rejoindre « une nouvelle famille » : l’ALS.

De gauche à droite : 1- En hiver, le wadi « Amur » est presque à sec. De nombreux éleveurs profitent de ce mince filet d’eau pour abreuver leurs bêtes. Des canaux d’irrigation acheminent l’eau vers des vergers situés en contrebas. Y poussent des orangers, des manguiers et toutes sortes de légumes. Vers l’est, les roches volcaniques du djebel Marra s’étendent à perte de vue. Plus on redescend, plus le climat est aride et les collines jaunies par le soleil. 2- Des munitions pour la mitrailleuse située en haut de la colline Difa, une position tenue par les rebelles de l’ALS. Djebel Marra, Darfour, Soudan, les 18 et 19 février 2021.De gauche à droite : 1- En hiver, le wadi « Amur » est presque à sec. De nombreux éleveurs profitent de ce mince filet d’eau pour abreuver leurs bêtes. Des canaux d’irrigation acheminent l’eau vers des vergers situés en contrebas. Y poussent des orangers, des manguiers et toutes sortes de légumes. Vers l’est, les roches volcaniques du djebel Marra s’étendent à perte de vue. Plus on redescend, plus le climat est aride et les collines jaunies par le soleil. 2- Des munitions pour la mitrailleuse située en haut de la colline Difa, une position tenue par les rebelles de l’ALS. Djebel Marra, Darfour, Soudan, les 18 et 19 février 2021.

Les origines de ce groupe rebelle remontent à la fin des années 1980, lorsque, exaspérés par les pillages et les exactions de bandes armées arabes dans la région, plusieurs membres des tribus Four, Zaghawa, Masalit et Berti se sont constitués en groupes d’autodéfense. L’ALS est officiellement formée en 2002, sous la direction d’Abdelwahid Mohamed al-Nour, un avocat d’origine four formé à l’université de Khartoum et aujourd’hui exilé en France.

S’estimant marginalisés par le pouvoir de Khartoum, notamment depuis le putsch militaire d’Omar al-Bachir, en 1989, les rebelles enchaînent les coups d’éclat contre les forces du régime. Devant cette menace, le président Bachir décide à partir de 2003 de s’appuyer sur des milices arabes appelées « janjawid ». Celles-ci ont été le bras armé d’une opération de répression massive et de nettoyage ethnique qui vaut à l’ancien dictateur, aujourd’hui déchu, d’être poursuivi pour « génocide » par la Cour pénale internationale (CPI).

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