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Le Medef se fait le chantre du dialogue social

Qui l’aurait cru : le Medef devient le champion du dialogue social. Geoffroy Roux de Bézieux, le président de l’organisation patronale, a surpris tout le monde en envoyant mi-février une lettre à ses homologues patronaux et syndicaux, les invitant à « refondre le paritarisme ».

Le timing de la démarche du Medef n’est pas anodin : elle intervient juste avant un cycle de rencontres bilatérales lancé par le Premier ministre, Jean Castex, avec les leaders patronaux et syndicaux en vue de préparer la grande conférence sociale de mi-mars prochain. En filigrane, la relance de la réforme de l’assurance chômage par le gouvernement, alors que l’Unédic, l’organisation paritaire qui la gère, fait face à un déficit de 17,4 milliards d’euros à fin 2020.

Consensus utiles 

Le message du Medef? Rappeler au gouvernement que les partenaires sociaux peuvent travailler de concert pour réformer le pays sans être chaperonnés par un exécutif qui ne les a pas toujours bien traités. « Les deux premières années du quinquennat, il est vrai qu’Emmanuel Macron n’a pas montré un intérêt débordant pour le dialogue social, poursuit le patron des patrons. L’arrivée de Jean Castex à Matignon a changé la donne, ce qui est une bonne chose. »

Formation professionnelle, impact du numérique sur le marché du travail, justice prud’homale…

Le patron des patrons veut lancer huit rounds de discussions sur des grands sujets avec l’idée d’aboutir à des accords interprofessionnels nationaux. « Nous avons un vrai rôle à jouer sur trois volets, l’économique, le social et la démocratie, explique-t-il. Cette démarche a pour but d’aboutir à des consensus utiles pour les entreprises et les salariés en apportant des réponses concrètes comme nous l’avons fait fin 2020 avec le télétravail et la santé au travail. Les partenaires sociaux ont montré qu’ils pouvaient être responsables en s’engageant. »

Les syndicats soutiennent le Medef

L’allant du Medef pour booster et donner un coup de jeune au dialogue social a été plutôt bien reçu par les syndicats de salariés. A commencer par la CFDT, premier syndicat hexagonal : « Nous sommes prêts à nous engager dans la définition d’un agenda social et économique relevant de notre pleine et entière responsabilité » Et Laurent Berger, le numéro un de la centrale, d’ajouter : « La CFDT souhaite que le premier échange permette à la fois de définir collectivement les thèmes, les priorités, les modalités et les méthodes les plus adaptées afin d’aboutir à des résultats et faire la démonstration d’un dialogue social et économique utile. »

En off, un membre du patronat ne boude pas son plaisir : « Nous avons bien surpris, dans le bon sens du terme, les syndicats de salariés. Il y a chez eux un intérêt et une forme de curiosité pour nos propositions. » De fait, le Medef ne les a pas habitués à tant d’égards pour le dialogue social, surtout sous la présidence de Pierre Gattaz, ex président du Medef, qui considérait l’exercice comme un frein pour l’économie. Et preuve de la bonne volonté de l’institution de l’avenue Bosquet, l’agenda des huit sujets est ouvert, les syndicats pouvant soumettre des sujets à l’ordre du jour. L’idée derrière tous ça, serait de lancer avant l’été au moins un grand raout interprofessionnel sur l’un des grands thèmes proposés.

Marque de fabrique de « GRB »

Cette initiative n’est pas sans rappeler celle de son lointain prédécesseur Ernest-Antoine Seillière, au tournant des années 2000, qui avait tenté de refondre le dialogue social. « La comparaison est flatteuse, juge Geoffroy Roux de Bézieux. Mais dans le cas présent, il s’agit avant tout d’être dans le concret et d’éviter le dogmatisme. » 

Quoi qu’il en soit, sa démarche est une réponse directe à la crise existentielle que traversent les partenaires sociaux : A quoi peut bien donc servir le Medef si l’organisation ne contribue plus à réguler ces totems du paritarisme ? Cette question était d’ailleurs au cœur de la campagne pour la présidence en 2018. Geoffroy Roux de Bézieux, le vainqueur du scrutin s’interrogeait alors : « Si le monde patronal et syndical ne se réinvente pas, il va s’étioler, devenir un astre mort », constatait-il. Ces propos font écho à ceux de Laurent Berger, leader de la CFDT : « Je suis persuadé que le syndicalisme est mortel. Ce qu’il s’est passé pour les partis politiques traditionnels peut arriver aux syndicats », avait-il déclaré en 2017 à Libération.

La meilleure stratégie étant souvent l’attaque, Geoffroy Roux de Bézieux tente depuis deux ans et demi de moderniser le Medef pour lui donner un nouvel élan. En témoigne, sa grande réforme de l’institution de 2019 adoptée très largement en assemblée générale et qui prévoit notamment son indépendance financière avec le renoncement à la manne issue du financement du paritarisme, soit 4,4 millions d’euros (environ 12 % de son budget). Conséquence : une réorganisation interne des services de l’avenue Bosquet et la nécessité d’augmenter le nombre d’adhérents (173.000 entreprises à la fin 2018).

Friture sur la ligne

Même si la réforme de l’assurance chômage, projet honni par le patronat et les syndicats, risque de provoquer de la friture sur la ligne, une chose est sûre : en cette période de crise sanitaire, le gouvernement n’a plus le luxe de se passer des organisations syndicales pour faire fonctionner l’économie. La pandémie a replacé les partenaires sociaux au centre du jeu. Comme l’a prouvé leur rôle suite au premier confinement de mars 2020, lorsqu’il a fallu rouvrir les entreprises.

 

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