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Rentabilité et solidarité, le pari de la jeune directrice du Grand marché de Toulouse

Redresser les finances, innover, tout en pariant sur la solidarité, Maguelone Pontier s’y attelle du matin au soir. En trois ans, cette trentenaire atypique a transformé le Grand marché de Toulouse, le deuxième de France après Rungis.

« Il ne s’agit pas d’être naïf. Il faut être rentable, et on l’est. Mais si on peut en même temps créer de l’entraide entre les usagers du marché, et en faire profiter des associations, des jeunes en difficulté… c’est encore mieux », est convaincue la directrice du marché d’intérêt national (MIN) de la Ville rose.

Pourtant en juillet 2017, quand cette fille d’agriculteurs prend à 32 ans les rênes de l’établissement, « la situation était… +délicate+ « , sourit-elle. Euphémisme ? « Quelque 28 millions d’euros de dette et un résultat net de -200.000 euros la dernière année » avec plus de 20% des locaux inoccupés, précise-t-elle.

Le Marché d'Intérêt National (MIN) de Toulouse en novembre 2020 (AFP/Archives - GEORGES GOBET)

Le Marché d’Intérêt National (MIN) de Toulouse en novembre 2020 (AFP/Archives – GEORGES GOBET)

« Aujourd’hui les comptes sont très bons. Le MIN a retrouvé une gestion saine, un équilibre financier et même au-delà », juge Jean-Jacques Bolzan, conseiller métropolitain en charge de l’alimentation et l’agriculture, vantant le « dynamisme et l’expérience » de Maguelone Pontier.

Mais la jeune femme passée par HEC, puis conseillère des présidents de la FNSEA et de Rungis, ne souhaitait pas uniquement redresser les comptes.

Elle voulait attirer de nouveaux acteurs, au-delà des grossistes et producteurs de fruits et légumes. C’est chose faite: les quelque 4.600 acheteurs du Grand marché peuvent désormais s’approvisionner aussi en poissons, viandes, fromages, fleurs et épicerie fine.

– « Village de l’alimentation » –

« Le Grand Marché a beaucoup gagné en visibilité depuis 2017 », soutient Nadia Pellefigue, vice-présidente de la région Occitanie en charge du développement économique, pointant « un accent majeur porté à l’innovation et la solidarité ».

Meules de fromage prêtes à être vendues au MIN de Toulouse, en novembre 2020 (AFP/Archives - GEORGES GOBET)

Meules de fromage prêtes à être vendues au MIN de Toulouse, en novembre 2020 (AFP/Archives – GEORGES GOBET)

Parmi les nouveaux locataires du Grand marché, des traiteurs, des jeunes entreprises spécialisées dans le domaine de l’alimentation, mais aussi des écoles de formation pour demandeurs d’emploi peu qualifiés, comme celle du chef Thierry Marx.

« Ici, quand on accueille une entreprise, on lui demande d’embaucher des jeunes de nos centres de formation ou de s’approvisionner auprès de producteurs », s’enthousiasme la jeune directrice, vantant les bienfaits de « l’économie circulaire dans ce village de l’alimentation ».

Parmi les projets qui lui tiennent à coeur, celui de l’association « Belles Gamelles » née dans le sillage de la crise sanitaire, à l’initiative d’un collectif de restaurateurs toulousains. Hébergée par le MIN, elle distribue quotidiennement des centaines de repas à des personnes en difficulté.

Pour l’Occitanie, première région bio de France, « il est extrêmement appréciable d’avoir un Grand marché dynamique, avec une directrice qui, en mettant en avant le bien manger et les produits locaux, a évolué dans le même sens que les attentes des citoyens », affirme la vice-présidente de la Région.

– « Locomotive humaine » –

« J’appartiens à une génération pour qui le développement durable et la responsabilité sociale, ce n’est pas de la mousse, on y croit vraiment », lance Maguelone Pontier.

Maguelone Pontier, le 15 février 2021, au Grand marché de Toulouse (AFP/Archives - GEORGES GOBET)

Maguelone Pontier, le 15 février 2021, au Grand marché de Toulouse (AFP/Archives – GEORGES GOBET)

Son arrivée il y a près de quatre ans dans un univers majoritairement masculin « a pu dérouter certains au début. Mais elle a vite su s’imposer », soutient Eric Fabre, élu un des meilleurs ouvriers de France dans la catégorie « primeurs ».

Celle qui assume fièrement son « côté féminin », s’agace tout autant d’être cantonnée à son genre.

« Je ne vais pas troquer mes talons pour des baskets sous prétexte que j’évolue dans un monde d’hommes, mais si j’en suis là aujourd’hui, c’est uniquement grâce à un parcours d’une cohérence incontestable », assène-t-elle.

La jeune directrice a également accéléré l’embauche de femmes au MIN: « au total, elles représentent 25% des recrutements en 2020 », dit-elle, convaincue qu’il faut « parfois forcer un peu pour accompagner le changement de moeurs ».

Sa détermination, elle la puise peut-être des heures passées, dès 12 ans, à travailler sur l’exploitation céréalière de ses parents dans l’Hérault. « A 16 ans je dirigeais déjà des équipes, notamment pour la castration du maïs. J’adorais ça », se souvient-elle, sirotant un thé entre deux réunions.

« C’est une locomotive humaine à grand coeur », résume Eric Fabre, également président de l’Union des métiers alimentaires de proximité. « Elle fonce, elle chamboule l’organisation (du marché), mais elle écoute les gens, elle est accessible. Elle ne fait pas l’unanimité, mais comme partout, le monde est ainsi fait », sourit-il.

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