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Football : Jorge Sampaoli, un nouveau “Loco” pour entrainer l’OM

L’arrivée de Jorge Sampaoli a été officialisée, vendredi, sur le banc de l’Olympique de Marseille. Se définissant comme un apôtre de l’inoubliable Marcelo Bielsa, cet entraîneur également argentin de 60 ans est connu pour son football tourné vers l’attaque.

Pour reprendre les rênes de l’Olympique de Marseille en ce moment, il faut être un peu fou. Quoi donc de plus logique de voir débarquer l’Argentin Jorge Sampaoli, disciple autoproclamé du « Loco » Marcelo Bielsa qui a laissé une empreinte inoubliable dans le club ? La direction de l’OM a officialisé, vendredi 26 février, son arrivée sur le banc du club – tout en annonçant la mise à l’écart du président Jacques-Henri Eyraud –, à la peine sportivement cette saison.

D’ailleurs, il avait déjà été démarché pour prendre la suite de son compatriote à l’été 2015, lorsque ce dernier avait claqué la porte du club. Il avait alors envoyé une première déclaration d’amour à Marseille : « C’est le genre de club qui me plaît. Des clubs comme l’OM ou Galatasaray qui ont ce soutien, cette clameur populaire et qui font que si tu gagnes quelque chose, la ville explose. Ce serait extraordinaire de pouvoir apporter la joie qu’elles méritent à ces villes, en retour à ce qu’elles donnent au football », avait-il affirmé à SoFoot.

Perché dans un arbre

C’est une photo devenue célèbre qui a lancé la légende Sampaoli, elle montre toute la passion avec laquelle l’Argentin vit le football. Publiée en 1995 dans un journal local de Rosario, elle montre « Sampa », t-shirt noir et lunettes de soleil, juché en haut d’un arbre. C’est de là qu’il continue de hurler ses consignes à son équipe, après avoir été exclu lors d’un match précédent.

Pour Jorge Sampaoli, le football a toujours été central dans sa vie, comme il l’explique dans une interview en 2017 à la chaîne BeIn Sports Espagne :

« Depuis tout petit, je suis proche du football, j’admire chaque commentaire, j’attendais El Grafico [ancien magazine sportif argentin, NDLR] chaque mardi qui à l’époque parlait beaucoup de tactique avec des rédacteurs qui m’apprenaient plein de choses. La région dans laquelle je vivais a aussi joué un rôle. C’est devenue une passion démesurée », juge-il. 

Il caresse un temps l’espoir de devenir footballeur professionnel alors qu’il évolue dans les équipes de jeunes des Newell’s Old Boys, le célèbre club de Rosario, comme défenseur et milieu défensif. Une fracture tibia-péroné à 19 ans brise son rêve.

De retour dans sa ville natale de Casilda, située au nord de la province de Buenos Aires, « El Zurdo » (le gaucher) continue tout de même le football chez les amateurs. Chez les Alumnis, il devient très vite un meneur d’hommes, méticuleux au point de rendre fou ses partenaires, comme le raconte le documentaire « El Origen » consacré à Jorge Sampaoli.

« Il faisait tout. Il sélectionnait les joueurs, dirigeait, jouait, aidait tout le temps. Quoiqu’il se passe, il avait toujours une solution », se souvient Sergio Abdala le président du club à l’époque. 

Il finit par prendre officiellement les rênes de l’équipe amateur, tout en continuant à travailler à temps partiel dans une banque. Puis la photo dans l’arbre lance sa carrière. Repérée par le président des Newell’s Old Boys de l’époque, on lui confie le banc de sa filiale en deuxième division, l’Argentino de Rosario, sa première expérience professionnelle.

« Mes équipes se caractérisent par une pression exercée dans le camp adverse, jouent par les côtés. Il est important de connaître l’adversaire, comment il joue, d’avoir une échelle de valeur et travailler sur cette base-là », théorise-t-il lors de sa signature avec le club, selon Lucarne Opposée.

Le disciple de Bielsa

Jorge Sampaoli a admis, à plus d’une reprise, s’inspirer de Marcelo Bielsa, natif comme lui de la province de Santa Fe et qu’il aurait pu croiser en tant que joueur si il était passé pro chez les Newell’s Old Boys.

« En réalité, j’ai espionné Marcelo pendant 10 ans », confie-t-il à la presse en 2014. « Je passais au moins 14 heures par jour à penser à lui, à observer des vidéos des matches de ses équipes. J’enregistrais même ses conférences de presse et je les écoutais en allant courir. »

« La force de Marcelo est de générer chez des équipes mineures une révolte qui leur permet de lutter et d’essayer de s’imposer face aux grands. C’est ce qui m’a plu chez lui. Je l’ai beaucoup écouté comment il parvenait à générer ces changements », développe Jorge Sampaoli interrogé par BeIn Sports Espagne.

Une révolte qui fait partie intégrante du personnage « Sampa », lui qui arbore fièrement plusieurs tatouages, dont une citation du Che, qu’il a longtemps admiré alors qu’il grandissait sous la dictature argentine, « No se vive celebrando victorias, sino superando derrotas » (« On ne vit pas en célébrant ses victoires mais en surmontant ses défaites »). L’Argentin inculque à ses équipes la « grinta », cette envie de jouer comme un mort de faim sur tous les ballons.

« Sampaoli n’est pas un de mes disciples, d’une part parce que ce mot n’est pas compatible avec moi, et d’autre part parce que j’ai remarqué qu’il est meilleur que moi », avait rendu hommage Marcelo Bielsa dans le cadre d’un congrès de football à Rio de Janeiro. « Une des vertus des coachs est la flexibilité. Je n’abandonne pas mes idées et Sampaoli le fait car il a un pouvoir d’adaptation que je n’ai pas. »

Assez curieusement, malgré le fanatisme de Jorge Sampaoli pour Marcelo Bielsa et cette marque de respect de ce dernier, les deux hommes n’ont jamais fait part d’une relation amicale qui les unirait ou d’une quelconque rencontre réelle.

Un entraîneur reconnu en Amérique latine

Peinant à percer en Argentine, Jorge Sampaoli part au Pérou chercher le succès « avec un simple sac », comme il le racontera a posteriori. Il enchaîne alors les expériences sur les bancs de clubs péruviens, chiliens et équatoriens, avant de connaître le succès avec l’Universidad de Chile, qu’il va conduire jusqu’à la Copa Sudamericana en 2011, soit l’équivalent de la Ligue Europa.

Nommé sélectionneur du Chili en 2012, il prend la suite de Marcelo Bielsa – un choix gagnant pour la « Roja » puisque la greffe Sampa va prendre sur les graines plantés par « El loco ». Lors du Mondial-2014, avec un football offensif et sans concession, il va battre l’Espagne, alors tenante du titre, et aller jusqu’en huitièmes de finale (défaite aux tirs au but contre le pays-hôte brésilien). Avant d’offrir à ce pays la première Copa America de son histoire, en 2015, en écartant en finale… l’Argentine de Lionel Messi, aux tirs au but.

Après ce titre historique décroché par le Chili à domicile et auréolé du titre d’entraîneur de l’année en Amérique du Sud, Jorge Sampaoli revient en Europe sur les bancs du Séville FC. Une expérience assez oubliable si ce n’est pour une déclaration lunaire qui résume son obsession pour le « beau jeu » : « Un soir, je suis allé dans un bar avec une femme. Nous avons parlé toute la soirée. On riait, on flirtait, je lui ai payé des verres. Vers 5 h du matin, un type est arrivé, l’a attrapé par le bras et l’a emmené aux toilettes. Il lui a fait l’amour et elle est partie avec lui. Ça n’a pas d’importance parce que j’ai eu la possession ce soir-là », avait-il lâché en interview.

Nul n’est prophète en son pays 

En mai 2017, il est appelé au chevet d’une sélection argentine qui ne sait plus gagner. L’Albiceleste reste en effet sur une défaite en finale de la Coupe du Monde 2016 face à l’Allemagne, (1-0, a.p.) et en finale de la Copa America à deux reprises contre le Chili (2015 et 2016). La direction technique nationale argentine fait alors le pari de mettre aux manettes l’homme qui les a battus en 2015.

Mais le mariage entre le potentiel offensif de l’Argentine et l’apôtre du beau jeu offensif n’accouche pas pour autant d’une pluie de victoires espérées. Dans un pays où le foot est religion, chaque mouvement du « Zurdo » est scruté, décortiqué. La presse locale lui reproche vite tout à la fois – de n’en faire qu’à sa tête et de se contenter de laisser les clés à Lionel Messi.

« Il est arrogant, ignorant. Même avec le meilleur joueur du monde, il n’a pas été capable de bâtir une équipe compétitive », critique l’ancien milieu de terrain Osvaldo Ardiles en plein Mondial-2018 en Argentine. 

Ce Mondial sonne le glas de son aventure avec l’Albiceleste. Après un laborieux match nul contre l’Islande (1-1), l’Argentine se fait sécher 3 à 0 par la Croatie avant de se sauver in extremis contre le Nigeria. Pour finalement être éliminé dès les huitièmes de finale par la France, future championne du monde.

À l’OM dans les pas de Bielsa

Démis de ses fonctions et honni dans son pays, Jorge Sampaoli part une nouvelle fois en exil, au Brésil cette fois. Il prend les rênes du mythique club brésilien de Santos, qu’il ramène à une seconde place du championnat inespérée en début de saison.

Il est ensuite appelé au chevet d’un autre club brésilien mal en point, l’Atlético Mineiro et, encore une fois, il l’a ramené au premier plan du championnat local. Avant de répondre à l’OM, il a insisté sur le fait de terminer sa saison et son contrat à Belo Horizonte qui courait jusqu’à fin février. Une constante chez lui, qui avait également tenu à terminer sa saison avec Séville avant de passer sur le banc de l’Argentine.

« Je n’écoute pas et j’avance », est une autre devise tatouée sur son corps. Celle-ci est extraite d’une chanson interprétée par Callejeros, un de ses groupes préférés et qui résume à la fois le personnage et les critiques qui lui sont souvent faites.

« Compte tenu de sa réputation et de l’investissement consenti, il aurait dû faire mieux. On n’a pas vu sa ‘patte’. On a surtout vu un coach imprévisible, instable, sans équilibre émotionnel », persifle Frederico Bolivar, manager sportif et proche du club de Belo Horizonte, peu fan du personnage Sampaoli dans les colonnes de L’Équipe.

« L’idée de Sampaoli me séduit, mais il faut vraiment voir comment le mariage pourrait se faire avec les joueurs. J’adorerais toujours qu’un Argentin réussisse à l’OM, mais j’ai surtout l’impression qu’il n’y a pas un bon candidat pour ce Marseille-là. Il y a des problèmes avec le groupe, le président est remis en question, les supporters sont tendus… Quand il n’y a pas de stabilité dans la structure du club, c’est difficile que les résultats suivent. Marseille, c’est toujours compliqué, mais là je trouve que c’est plus qu’avant », analyse l’ancien défenseur argentin de Marseille Renato Civelli, pour SoFoot.

>> À lire aussi : Le combat des supporters de l’Olympique de Marseille pour vivre leur passion

« C’est difficile de faire des prévisions parce que le football est un sport tellement aléatoire que souvent les pronostics sont déjoués. Sampaoli est un entraîneur avec une très forte personnalité, avec une très forte identité de jeu, qui défend des principes tactiques assez ambitieux. Cela le rapproche de Marcelo Bielsa, et on avait vu justement à quel point Bielsa – malgré des résultats qui avaient pu être décevants – avait entretenu la flamme des supporters. Ils s’étaient reconnus dans cet entraîneur, dans les valeurs qu’il représentait, de manière très marquée. Bielsa avait rallumé la passion, il y avait un jeu enthousiasmant, il y avait des ambitions même si elles ont été un peu déçues sur la fin de son parcours. Il y avait un souffle, il y avait des émotions que sont ce que les supporters poursuivent principalement », explique cofondateur et rédacteur en chef des Cahiers du football, interrogé récemment par France 24. « Ce qui est à craindre, c’est peut-être plus le mariage entre la carpe et le lapin, entre un entraîneur comme Sampaoli et des dirigeants comme Jacques-Henri Eyraud. Est-ce qu’il peut y avoir une entente suffisante entre des personnalités qui a priori semblent très éloignées l’une de l’autre ? C’est difficile à dire. »

Compte tenu de l’empreinte laissée par Marcelo Bielsa à l’Olympique de Marseille, voir un disciple d’ »el Loco » débarquer au Vélodrome devrait permettre aux dirigeants de l’OM de désamorcer un peu le conflit latent avec les supporters. Reste à savoir si les résultats suivront.

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