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La drogue, l’épidémie silencieuse qui ravage San Francisco

Un campement de sans-abri dans le quartier de Tenderloin, dans le centre-ville de San Francisco (Californie), le 1er avril. Un campement de sans-abri dans le quartier de Tenderloin, dans le centre-ville de San Francisco (Californie), le 1er avril.

LETTRE DE SAN FRANCISCO

Nombre de morts du Covid-19 à San Francisco en 2020 ? 235. Nombre de victimes de surdoses ? 699. Le rapport du médecin légiste de la ville publié en janvier a créé un choc : l’an dernier, la drogue a tué trois fois plus d’habitants que la pandémie. Un record absolu : en 2019, les surdoses avaient emporté 441 personnes, déjà une augmentation de 70 % par rapport à 2018 (259 morts). En 2020, San Francisco – qui possède le taux de mortalité par Covid-19 le plus faible de toutes les grandes villes américaines – a perdu deux personnes par jour, en moyenne, à cause de la drogue. Une épidémie « silencieuse », terrée dans les contre-allées du centre-ville et les chambres d’hôtel pour indigents.

Comme dans le reste des Etats-Unis, la plupart des overdoses sont liées à la consommation de fentanyl, un opioïde de synthèse, apparu dans l’est des Etats-Unis en 2013, et cinq ans plus tard dans la baie de San Francisco. Une nette augmentation de la consommation, quoique moindre qu’en Californie, a été notée au plan national. Selon les Centers for Disease Control (CDC), l’agence fédérale de la santé publique, 91 000 Américains sont morts de surdose d’opioïde entre mai 2019 et mai 2020. Le bilan annuel a dépassé celui de la guerre du Vietnam, et depuis 2017, celui des accidents de la route.

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Délinquance tolérée

Le Fentanyl est cinquante fois plus puissant que l’héroïne. A San Francisco, on le trouve pour 20 dollars (20,56 euros) les 500 mg au coin de Market Street, dans le quartier de Tenderloin, un entrelacs de quelques rues livré depuis des décennies aux dealeurs et aux sans-abri. C’est là que se sont produits un quart des décès : avec le confinement, Tenderloin est devenu un marché de la drogue à ciel ouvert. Les habitants et la Homeless Coalition, l’association de défense des sans-abri, accusent les pouvoirs publics de laisser faire et de traiter le quartier comme une « zone d’endiguement », où la délinquance est tolérée pour épargner le reste de la ville. En mai 2020, la faculté de droit Hastings de l’Université de Californie et plusieurs autres riverains ont porté plainte contre la municipalité : ils avaient compté plus de 400 tentes dans le quartier. La mairie a relogé les sans-abri dans des hôtels bon marché et ouvert plusieurs parkings pour des campements officiels « Covid ».

La pandémie a aggravé les addictions. « La règle d’or de la prévention des surdoses, c’est d’éviter que l’individu reste seul », explique Kirsten Marshall, la responsable du projet DOPE (« drogue overdose prévention et éducation »), un programme d’assistance financé par la ville. Le confinement, au contraire, a imposé la distanciation. Pendant plusieurs mois, les équipes de secours, qui se relaient habituellement dans le quartier, ont interrompu leurs rondes. Selon le San Francisco Chronicle, qui a publié une carte localisant les décès, la majorité se sont produits dans les chambres d’hôtel mises à la disposition des sans-abri par la municipalité. Certains n’ont été découverts que plusieurs jours plus tard. Andre Edwards dit « Dre », un militant des « safe spaces », ces lieux ouverts pour des injections « sécurisées », qui s’était fait pas mal d’amis en vingt ans de vie dans la rue, est mort tout seul. Quelques semaines plus tôt, il s’était réjoui d’avoir enfin un toit.

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