Petrobras a essuyé un coup de torchon lundi à la Bourse de Sao Paulo, la désignation à la tête du groupe pétrolier public d’un général de réserve par le président brésilien Jair Bolsonaro ayant renforcé les craintes d’ingérence de Brasilia dans l’économie.
Petrobras perdait près de 20% à la mi-journée, autant les actions ordinaires que les titres préférentiels, tandis que l’indice Ibovespa cédait 4,5% et que le réal brésilien reculait de 2,6% face au dollar.
La raison de cette chute: la non-reconduction du président de Petrobras, Roberto Castello Branco, que M. Bolsonaro incrimine pour les augmentations successives des prix des combustibles (+35% depuis le début de l’année).
Le chef de l’Etat a également critiqué le fait que M. Castello Branco soit en télétravail depuis le début d’une pandémie de coronavirus que lui-même n’a cessé de minimiser: « ça fait 11 mois qu’il est chez lui, sans travailler ».
À sa place, il a désigné un général de réserve, Joaquim Silva e Luna, ex-ministre de la Défense, dont le nom doit encore être approuvé par le conseil d’administration du groupe, mardi.
« Impulsion autoritaire », « intervention militaire » : les critiques ont fusé dans les éditoriaux des principaux journaux brésiliens, tandis que de nombreux analystes craignent que ce changement intempestif à la tête du géant pétrolier n’entame sérieusement la crédibilité du Brésil auprès des investisseurs étrangers.
– Autres changements à venir –
Mais le président d’extrême droite ne semblait pas trop s’inquiéter de la dégringolade du cours des actions de la plus grande compagnie publique du pays, préférant stigmatiser les milieux d’affaires qui ont pourtant contribué à le faire élire fin 2018.
« Cela montre que certaines personnes liées aux marchés financiers sont très satisfaites d’une politique de Petrobras qui n’avait qu’un seul but: servir les intérêts de certains groupes au Brésil », a-t-il affirmé lundi devant des partisans à la sortie de sa résidence officielle du Palais de l’Alvorada.
« Le pétrole est-il à nous ou à un petit groupe de Brésiliens ? », a-t-il demandé.
Ces propos montrent un virage à 180 degrés par rapport aux promesses de campagne du président Bolsonaro, qui avait nommé au ministère de l’Economie l’ultra-libéral Paulo Guedes.
M. Castello Branco est un « Chicago Boy », comme le ministre Guedes, qui semble perdre de plus en plus le contrôle de la politique économique du pays.
Et d’autres coups de tonnerre sont attendus ces prochains jours. Samedi, Jair Bolsonaro a averti qu’il y aurait « d’autres changements » dans des entreprises publiques cette semaine, citant par exemple le cas de l’ »énergie électrique ».
Les actions de la compagnie publique d’électricité Eletrobras, dont la privatisation est envisagée depuis plusieurs années, ont chuté de près de 7% lundi à l’ouverture.
– « Réaction démagogique » –
« Avec le changement à la tête de Petrobras, le gouvernement a fait clairement preuve d’ingérence parce que Bolsonaro est contre l’augmentation systématique de prix des combustibles », dit à l’AFP Alex Agostini, du cabinet de consultants Austin Ratings.
Jair Bolsonaro, dont la cote de popularité a baissé, « a en tête la prochaine élection » présidentielle en 2022.
La dernière fois qu’un gouvernement est intervenu sur les prix, c’était sous la présidence de Dilma Rousseff (2011-2016), dirigeante de gauche honnie par Jair Bolsonaro.
Cette politique de gel des tarifs malgré la hausse du baril avait contribué aux énormes difficultés financières traversées par la compagnie, aggravées par le gigantesque scandale de corruption mis au jour par l’enquête Lava Jato (Lavage express), qui vient d’être enterrée.
Petrobras a commencé à refaire surface ces dernières années, réduisant son endettement grâce à la cession d’actifs.
Dans un éditorial, le quotidien Folha de S. Paulo a qualifié lundi l’ingérence de M. Bolsonaro de « réaction démagogique à ces hausses de prix qui gênent ses alliés camionneurs », en référence à la menace de grève des chauffeurs routiers, qui avaient paralysé le pays en 2018.
Mais pour Miriam Leitao, éditorialiste du quotidien O Globo, le fait de « s’attaquer à la gouvernance de Petrobras pour contrôler les prix ne va contenter personne, pas même les chauffeurs routiers ».
« Jair Bolsonaro est devenu un ennemi du libéralisme économique et a fait s’effondrer le cours de Petrobras, mais c’est récupérable. Le bien le plus cher que Bolsonaro menace, c’est la démocratie », conclut-elle.
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