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Elevage de cochons « Herta » dans l’Allier : un double-discours de l’Etat ?

Deux mois après une enquête où l’association L214 pointait selon elle des violations de la réglementation dans un élevage de cochons fournissant la marque Herta, de nouvelles images tournées en janvier 2021 montrent dans ce même élevage des animaux baignant dans leurs excréments, d’autres blessés. La veille de la diffusion de cette nouvelle enquête, les services vétérinaires de la Préfecture se sont rendus à nouveau sur les lieux, reconnaissant cette fois-ci auprès de 30millionsdamis.fr que des « non-conformités » constatées auparavant seraient en cours de résolution par l’éleveur.

Selon l’Etat, RAS (rien à signaler) dans cet élevage de cochons de l’Allier fournissant Herta… vraiment ? A la suite d’une enquête de l’association L214 (3/12/2020), révélant d’après elle de multiples violations de la réglementation dans cet établissement, les services vétérinaires de la préfecture s’étaient immédiatement rendus sur les lieux pour une inspection. Leur constat, diffusé par voie de communiqué (16/12/2020), avait alors semblé sans appel : une « bonne tenue de l’élevage » et « l’absence de non-conformité majeure », s’inscrivant donc en faux par rapport aux allégations des lanceurs d’alerte. Pourtant, de nouvelles images tournées en janvier 2021 par L214 dans ce même élevage viendraient aujourd’hui contredire cette version des faits.

Selon les lanceurs d’alerte, rien n’a changé dans cet élevage depuis la précédente enquête. ©L214

La nouvelle vidéo rendue publique par L214 tend à montrer malgré tout qu’il y aurait bien manquement à la réglementation, en particulier des arrêtés du 16 janvier 2003 et du 25 octobre 1982 respectivement consacrés aux normes minimales relatives à la protection des porcs et aux conditions d’élevage, de garde et de détention des animaux. Ainsi, les cochons visibles sur ces images ont tous la queue coupée, alors qu’il est interdit de pratiquer cette mutilation de manière systématique. Si la loi prévoit que « les sols […] doivent être conçus […] de façon à ne pas causer de blessures ou de souffrances aux porcs » et doivent être « adaptés à la taille et au poids des porcs », on voit pourtant des porcelets se coinçant les pattes dans les caillebotis (fentes du sol) de l’élevage.

Des cochons baignant dans leurs excréments

Sur les images des lanceurs d’alerte, on voit également des cochons dont l’abreuvoir est à sec, alors que « tous les porcs âgés de plus de deux semaines doivent avoir un accès permanent à de l’eau fraîche en quantité suffisante par un dispositif d’abreuvement » (arrêté du 16/1/2003) ; ainsi que des suidés baignant dans leurs excréments, ce qui contrevient au même texte de loi prévoyant que « le logement des porcs doit être construit de manière à permettre aux animaux : d’avoir accès à une aire de couchage […] qui soit convenablement asséchée et propre ». Comble de l’horreur, on aperçoit des cochons apparemment blessés laissés sans soins au milieu de leurs congénères, en violation directe de l’arrêté du 25/10/1982 selon lequel « tout animal qui paraît malade ou blessé doit être convenablement soigné sans délai […]. Les animaux malades et si nécessaire les animaux blessés sont isolés dans un local approprié garni, le cas échéant, de litière sèche et confortable. »

« Sans ces nouvelles images, le rapport d’inspection des services vétérinaires pouvait laisser penser que cet élevage était en conformité avec la réglementation, affirme Sébastien Arsac, co-fondateur de L214. Comme pour l’abattoir de veaux à Sobeval (au sujet duquel des emails avaient fuité qui démontraient que le ministère de l’Agriculture mentait au public sur la situation de l’abattoir), cette nouvelle affaire ruine à nouveau la confiance dans les services vétérinaires de l’État. » L’association compte à cet égard déposer un recours en responsabilité contre l’État. « La marque Herta, elle, continue de commercialiser des produits contraires aux engagements qu’elle a pris pour ses élevages “filière Préférence”. C’est de la tromperie, accuse également le défenseur des animaux. Nous réitérons notre demande à la marque de s’engager contre les pires pratiques d’élevage. »

Un changement de discours ?

 

Comment avoir confiance en des services vétérinaires qui changent à ce point de discours ?
Sébastien Arsac, L214

Contacté par 30millionsdamis.fr, le ministère de l’Agriculture a réagi en transmettant la réponse du service communication de la Préfecture de l’Allier : « Par une lettre du 15 janvier 2021, le GAEC [l’éleveur, NDLR] a transmis ses éléments de réponse aux inspecteurs sur l’ensemble des non-conformités [mineures ou moyennes] relevées [en décembre 2020] avec les mesures rectificatives engagées. Le 10 février 2021 matin, des inspecteurs de la DDCSPP [services vétérinaires, NDLR] se sont rendus sur place pour vérifier la corrélation avec les justificatifs fournis par le GAEC. Aucune non-conformité ni maltraitance n’a été constatée lors du dernier contrôle, [lequel] a permis de confirmer que l’exploitant a en effet engagé les mesures correctives attendues qui sont en cours de déploiement (équipements d’abreuvement en cours d’installation, matériaux manipulables en partie installés, densité réduite, remplacement des caillebotis…) »

« C’est une réponse intéressante, réplique Sébastien Arsac, joint par 30millionsdamis.fr. Dans le communiqué de décembre 2020, il n’était fait aucune mention de quoi que ce soit de négatif : pas d’animaux en souffrance, pas de cadavres, pas de non-conformités majeures… Là, le discours a totalement changé : la Préfecture liste un certain nombre de points tels que l’abreuvement, les matériaux manipulables, la densité d’élevage, et un « remplacement des caillebotis ». C’est un aveu du fait que leur communication de départ était fallacieuse. Comment avoir confiance en des services vétérinaires qui changent à ce point de discours ? ».

Le co-fondateur de L214 déplore par ailleurs la réaction biaisée du gouvernement en faveur du secteur industriel : « Les services du ministère de l’Agriculture communiquent comme des opposants aux associations de protection animale, alors qu’ils sont censés avoir la protection des animaux parmi leurs missions. En Belgique, la condition animale a été sortie des compétences du ministère de l’Agriculture justement pour éviter le conflit d’intérêt. La France doit suivre cet exemple. » Interrogé par 30millionsdamis.fr sur l’éventualité de la mise en place d’un plan de sortie de l’élevage intensif, le ministère de l’Agriculture n’a pas souhaité réagir sur ce point. Pourtant, 8 Français sur 10 (baromètre 30 Millions d’Amis /Ifop, janvier 2021) s’opposent à ce modèle de production, source de souffrances pour les animaux.

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