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OpenLux : pourquoi le chiffre de 6 500 milliards d’euros d’actifs au Luxembourg est sous-estimé ?

L’enquête OpenLux, menée par Le Monde et ses partenaires à partir de données publiques du registre d’affaires du Luxembourg a permis d’avoir un panorama général de cette place financière nichée au cœur de l’Europe. Grâce à cette vision inédite du Luxembourg, nous avons pu calculer que plus de 6 500 milliards d’euros y sont détenus dans des sociétés purement financières. Et encore, ce montant n’est qu’une estimation basse. Voici comment nous sommes parvenus à le calculer.

Le Monde et ses partenaires ont collecté dans le registre un total de 3,3 millions de documents dont 1,2 million de documents comptables. Pour la moitié d’entre eux (627 000), nous avons été en mesure d’en extraire le contenu et avons converti en euros des sommes qui correspondaient à 35 devises différentes.

Pour estimer la valeur des actifs des sociétés purement financières domiciliées au Luxembourg, nous avons fait le choix de nous restreindre aux seules structures relevant des « activités des sociétés holding » et de « fonds de placement et entités financières similaires » (codes Nace 64.2 et 64.3), soit plus de 73 000 sociétés actives en 2019.

Près des deux tiers des sociétés prises en compte

Disposer d’une image en temps réel d’une réalité comptable n’est pas une mince affaire. Même le Grand-Duché, qui a la main sur les données de son registre, ne pourrait en théorie réaliser un instantané qu’avec un retard minimum de sept mois, puisque c’est le délai légal accordé aux sociétés pour déposer leurs comptes. Mais l’examen des derniers comptes disponibles a révélé qu’elles étaient nombreuses à ne pas respecter la loi : au 1er  janvier 2021, moins de la moitié (45 %, soit environ 33 000 entités) avaient effectivement déclaré leurs comptes pour l’année 2019.

Nous avons alors fait le choix d’inclure les comptes de l’exercice précédent (2018), ce qui nous a permis d’obtenir un total de 47 147 documents comptables exploitables. Soit près des deux tiers (64 %) du volume total des sociétés ciblées. Ce groupe n’est en rien un échantillon représentatif. Il est une sous-partie qui nous sert de base pour une estimation prudente, a minima, d’un tout dont nous ignorons la structure.

Sur les 26 144 sociétés absentes de nos données, 55 % ont des bilans antérieurs à 2018, que nous avons choisi d’ignorer car trop datés. 35 % n’ont pas déposé de comptes. Les 10 % restants renvoient vers des sociétés dont nous n’avons pas pu exploiter les données.

Eviter les doublons entre holding et filiales

Autre difficulté dans cet exercice d’estimation : il nous fallait être en mesure d’isoler les filiales de leurs holdings, puisque les unes englobent les autres. En clair, en additionnant, en l’état, les valeurs des actifs, ceux-ci auraient inclus énormément de doublons comptables. Pour résoudre ce problème, Le Monde s’est procuré un jeu de données qui lui a permis de reconstituer les montages financiers reliant les 47 147 sociétés analysées.

L’ultime étape consistait en une simple addition des actifs figurant dans les bilans des sociétés, montants desquels ont été retranchés les doublons holdings-filiales. La somme calculée atteint environ 6 500 milliards d’euros pour le total des actifs. Cela correspond à 2,6 fois le produit intérieur brut (PIB) français en 2019, et près de cent fois le PIB du Luxembourg. Les seuls actifs financiers s’élèvent à près de 5 000 milliards d’euros, auxquels s’ajoutent 1 075 milliards pour les créances, ou encore 116 milliards d’avoirs en banques.

OpenLux est une enquête lancée par Les Décodeurs du Monde sur la face cachée du Luxembourg, un paradis fiscal situé au cœur de l’Union européenne.

Pour dévoiler les dessous du centre financier luxembourgeois, nous avons constitué une vaste base de données inédite, regroupant les propriétaires réels des 140 000 sociétés immatriculées au Luxembourg et le détail de leurs actifs financiers. Pour cela, nous avons rassemblé des millions de documents récemment rendus publics, mais en principe accessibles uniquement au compte-gouttes dans le registre des bénéficiaires effectifs et le registre du commerce du Grand-Duché.

Pendant un an, nous avons pu les analyser en partenariat avec seize médias internationaux : Süddeutsche Zeitung, Le Soir, OCCRP, IrpiMedia, McClatchy, Woxx, iStories, Arij, Krik, Bivol, investigace.cz, Piauí, Tempo, Armando Info, La Nación et Inkyfada.

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