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Arkadi Rotenberg, loyal oligarque et heureux propriétaire du “palais de Poutine”

Publié le : 02/02/2021 – 18:16

Le milliardaire russe Arkadi Rotenberg a assuré, samedi, être le véritable propriétaire d’une luxueuse demeure qui serait, d’après l’opposant Alexeï Navalny, le « palais de Poutine ». Il en a certes les moyens, mais il a aussi le profil du parfait soldat loyal prêt à se sacrifier pour le maître du Kremlin.

C’est l’homme qui a volé au secours de Vladimir Poutine. L’oligarche russe Arkadi Rotenberg a affirmé, samedi 30 janvier, être l’heureux propriétaire du palais de la discorde. Il espère ainsi mettre un terme à la vive polémique qui entoure cette opulente bâtisse sur les bords de la mer Noire, dont la valeur est estimée à un milliard de dollars

Elle est, en effet, devenue le symbole du combat contre la corruption supposée du président russe mené par l’opposant Alexeï Navalny. Ce dernier, en attente mardi 2 février du verdict de son procès à Moscou pour violation d’un contrôle judiciaire en 2014, avait posté le 21 janvier une vidéo détaillant comment Vladimir Poutine se serait fait construire, grâce à l’argent de la corruption et un réseau de prête-noms, ce « nouveau Versailles ». Une vidéo choc pour convaincre les Russes de venir grossir les rangs des manifestations contre le pouvoir.

Une fortune de près de 3 milliards de dollars

Les dénégations de l’illustre accusé n’avaient suffi ni à lever les soupçons, ni à calmer les manifestants. Après avoir franchi rapidement la barre du million de vues sur YouTube, cette enquête des équipes d’Alexeï Navalny compte désormais plus de 100 millions de vues.

La sortie d’Arkadi Rotenberg arrive à point nommé. « J’ai réussi à conclure un accord avec les créanciers il y a quelques années et je suis devenu bénéficiaire de ce site », a-t-il soutenu. Le milliardaire précise qu’il compte transformer le « palais », actuellement toujours en travaux, en hôtel de luxe dans les années à venir.

Arkadi Rotenberg a certainement les moyens de s’offrir une telle folie. Il dispose d’une confortable fortune estimée à près de 3 milliards de dollars par le magazine Forbes. Il est surtout à la tête, avec son frère Boris, de deux des  plus importantes entreprises de construction de Russie, SGM Group et Mostotrest.

Un empire de pierre et de béton qui lui assure d’importantes rentrées d’argent au gré des marchés publics, dont les Rotenberg sont souvent les principaux bénéficiaires. Ce sont les mêmes qui se sont taillés la part du lion pour construire le site des jeux olympiques de Sotchi en 2014. Ils ont obtenu entre 7 et 10 milliards de dollars de contrats à cette occasion. Ce sont encore eux qui ont largement contribué à l’édification du gigantesque pont reliant l’Ukraine à la Crimée. Le très controversé pipeline Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne ? Arkadi Rotenberg est aussi sur le coup.

Ce statut de « bâtisseur du Kremlin » ne lui a pas valu que des millions. Il a été mis à l’index des États-Unis et de l’Europe, qui lui ont infligé des sanctions économiques et gelé ses avoirs à l’étranger (notamment des biens immobiliers d’une valeur de 30 millions de dollars en Italie) à l’occasion de l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014.

Partenaire de judo

Arkadi Rotenberg a certainement aussi la volonté de monter au front pour protéger le maître du Kremlin dans cette affaire de « palais » d’hiver moderne. Il n’a montré aucune preuve attestant qu’il est réellement le propriétaire de cette prestigieuse demeure. Les opposants à Vladimir Poutine n’ont pas manqué l’occasion de suggérer que le milliardaire n’est autre qu’un prête-nom pour son « ami d’enfance ».

Car la relation entre le président et son « bâtisseur en chef » remonte aux bancs de l’école. Arkadi Rotenberg est l’archétype de l’oligarque de l’ère Poutine. Il lui doit tout et « lui est extrêmement loyal », écrit l’économiste suédois Anders Aslund dans son ouvrage sur le « capitalisme de copinage russe ».

Dans les années 2000, Arkadi Rotenberg n’est connu que pour une chose : avoir été le partenaire de judo de celui qui termine alors son premier mandat de président russe. Il a un parcours d’homme d’affaires modeste qui a créé sa boîte de sécurité, tout en gérant un club de judo (dont Vladimir Poutine a été le président). Mais en 2008, il touche le jackpot. Le mastodonte public russe de l’énergie Gazprom lui cède cinq de ses filiales spécialisées dans la construction à un prix très avantageux (348 millions de dollars). 

Il aura tôt fait de rembourser l’argent qu’il a dû emprunter pour cet achat avec ce nouvel empire du BTP, qu’il baptise Stroygazmontazh (renommé depuis GSM Group). Le groupe se révèle être une véritable poule aux œufs d’or grâce, encore une fois, à Gazprom. Arkadi Rotenberg devient, en effet, le principal sous-traitant du géant russe et enchaîne le construction de pipelines de l’Allemagne à la Sibérie.

En parallèle à cette première activité, il acquiert au début des années 2010, Mostotrest, un groupe moscovite spécialisé dans la construction d’autoroutes. « À partir de 2011, il est vraiment passé maître dans l’art de décrocher les contrats publics les plus avantageux », souligne Anders Aslund. En 2015, son année la plus faste (alors même qu’il est déjà visé par les sanctions internationales), il bénéficie de 8,3 milliards de dollars de contrats publics. « Ce genre de grands chantiers sont généralement attribué sans réelle mise en concurrence et à des prix environ trois fois supérieurs à ceux du marché », souligne l’économiste suédois

Dans ces conditions, se faire passer pour le propriétaire du « palais » au bord de la mer Noire et subir l’opprobre de la foule qui y voit l’étalage indécent d’une fortune mal acquise n’est pas cher payé. Et même s’il était le réel maître de maison, cela ne changerait probablement pas grand-chose à la colère des Russes. Car que ce soit Vladimir Poutine ou Arkadi Rotenberg, cela reste, finalement, dans la « famille ».

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