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Déforestation en Amazonie : ONG et indigènes poursuivent Casino en justice en France

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Publié le : 03/03/2021 – 22:16Modifié le : 03/03/2021 – 22:20

Onze organisations de défense de l’environnement et des responsables indigènes ont assigné mercredi le groupe Casino devant la justice française. Ils pointent la responsabilité du groupe dans la déforestation de l’Amazonie avec la vente de viande issue d’élevages extensifs au Brésil et en Colombie.

Le groupe français Casino serait-il en partie responsable de la déforestation en Amazonie ? C’est du moins ce qu’affirment des organisations non gouvernementales (ONG) françaises et américaines, ainsi que des représentants des peuples autochtones d’Amazonie brésilienne et colombienne. La coalition internationale est d’ailleurs passée à l’offensive : les 11 organisations françaises et étrangères ont assigné le 3 mars la multinationale française devant le tribunal judiciaire de Saint-Étienne, ville où se trouve le siège du groupe. 

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Le groupement d’ONG reproche à la multinationale française de vendre dans ses enseignes en Amérique du Sud des produits à base de viande bovine, liée à la déforestation et à l’accaparement de terres des peuples autochtones. « Nous demandons au groupe qu’il respecte la charte environnementale en adoptant de nouvelles mesures environnementales et répare les préjudices subis par les peuples autochtones », indique à France 24 Sébastien Mabile, avocat de la coalition internationale d’associations. À ce titre, nous réclamons plus de trois millions d’euros de dédommagement. »

Une démarche sans précédent 

La démarche est inédite. « C’est la première fois qu’une chaîne d’hypermarchés est assignée en justice pour des faits de déforestation et de violation de droits humains dans sa chaîne d’approvisionnement », précisent les responsables associatifs lors de la conférence de presse organisée le 3 mars. Pour ce faire, la partie civile se base sur le droit français, et plus précisément sur le fondement de la loi sur le devoir de vigilance adoptée en mars 2017. Cette loi française impose aux entreprises basées en France et employant plus de 5 000 salariés de prendre des mesures adaptées et effectives pour prévenir les atteintes graves aux droits humains et à l’environnement tout au long de leur chaîne d’approvisionnement, faute de quoi elles engagent leur responsabilité et peuvent être condamnées à payer des dommages et intérêts. 

Dans cette bataille judiciaire qui s’ouvre, le collectif assure disposer de preuves rassemblées par le Centre d’analyse de la criminalité climatique. Ce dernier affirme que le groupe Casino a régulièrement acheté de la viande bovine à trois abattoirs qui s’approvisionnent en bétail auprès de 592 fournisseurs responsables d’au moins 50 000 hectares de déforestation entre 2008 et 2020, une surface équivalente à cinq fois la taille de Paris. 

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Des préjudices environnementaux et humains  

Le groupe Casino est la plus grande chaîne de supermarchés au Brésil et en Colombie, avec leurs marques respectives Grupo Pão de Açúcar (GPA) et Grupo Éxito. Les activités de Casino en Amérique du Sud représentent près de la moitié (47 %) du chiffre d’affaires du groupe.  

« Il est donc normal que ceux qui tirent de bénéfices du désastre environnemental et humain lié à la déforestation provenant en grande partie de l’élevage bovin paye », estime Lucie Chatelain, juriste de l’association Sherpa. On sait en effet que l’élevage bovin est la principale source de déforestation en Amérique du Sud, en particulier au Brésil. Selon l’agence spatiale brésilienne (INPE), la déforestation de la forêt amazonienne a atteint son plus haut niveau en douze ans. L’Amazonie risque d’atteindre un point de non-retour, en passant d’une forêt tropicale humide à une savane. 

Outre les préjudices environnementaux, les plaignants veulent également faire valoir les atteintes aux droits humains. « Nous, peuples autochtones, sommes les gardiens de l’Amazonie et des terres indigènes, assène Luiz Floy du peuple Terena au Brésil et conseiller juridique à la Coordination des organisations autochtones de l’Amazonie brésilienne (COIAB), lors de la conférence de presse. Au-delà du préjudice financier, les dommages subis sur les terres indigènes affectent notre mode de vie, menacent la survie de notre culture, de nos traditions et à terme, celle de notre peuple. »

Casino dément  

Contactée par France 24, la direction de la communication de Casino n’a pas souhaité pas commenter pas une procédure judiciaire en cours, dont le groupe vient de prendre connaissance. Elle a néanmoins tenu à affirmer à la rédaction que « la filiale brésilienne GPA déploie une politique systématique et rigoureuse de contrôle de l’origine de la viande bovine livrée par ses fournisseurs ». Et de poursuivre, « le groupe Casino, au travers de ses filiales en Amérique latine, lutte activement, et depuis plusieurs années, contre la déforestation liée à l’élevage bovin au Brésil et en Colombie, et ce, en prenant en compte la complexité des chaînes d’approvisionnement. »

De son côté, la coalition maintient que l’enseigne tricolore, malgré les mises en demeure, ne s’est toujours pas engagée à exclure la viande ou des produits transformés issus de la déforestation de ses magasins Grupo Pão de Açúcar, Casino ou Grupo Éxito. « En 2021, on peut aller sur Mars mais un groupe comme Casino n’est pas capable d’éliminer la déforestation de toute sa chaîne d’approvisionnement. C’est inacceptable », s’agace Boris Patentreger, cofondateur de l’association Envol Vert. Le responsable humanitaire déplore en outre « le double langage » de la multinationale. « Avec ses marques Naturalia et Monoprix, le groupe joue d’un côté pour sa clientèle française urbaine la carte du bio et participe, de l’autre, à la déforestation en Amazonie. » 

Casino et les autres… 

Le groupe Casino n’est pas le seul distributeur à être pointé du doigt. Le site d’investigation Disclose a dénoncé le rôle de l’enseigne Carrefour dans la déforestation de l’Amazonie brésilienne. À ce stade, « nous avons choisi de poursuivre en justice le groupe Casino car il est implanté en Colombie et au Brésil, contrairement à Carrefour qui n’est présent qu’au Brésil, mais nos exigences à l’égard de ce groupe sont les mêmes. »  

Les distributeurs ne sont les seuls responsables. Les pouvoirs publics portent eux aussi une lourde part de responsabilité, d’après le collectif. En décembre dernier, le gouvernement brésilien a supprimé toutes les mesures visant à lutter contre la déforestation dans son plan national d’action pour le climat bien que la disparition des forêts demeure la principale source d’émissions de gaz à effet de serre dans le pays. 

Impuissants face aux pouvoirs publics américains, les ONG françaises espèrent que la démarche fera au moins « prendre conscience de la responsabilité que porte chaque groupe français dans le monde », insiste Me Sébastien Mabile. Devant l’ampleur de la démarche judiciaire entamée, le procès ne devrait pas commencer avant 12 à 18 mois.

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