RécitLe chantier, déjà bien avancé, du pipeline qui doit relier la Russie à l’Allemagne divise les Vingt-Sept. Berlin s’arc-boute sur ce projet dénoncé par les pays les plus critiques envers Moscou. Washington fait pression en imposant des sanctions, notamment aux entreprises européennes qui y participent.
C’est un dossier qui empoisonne les relations européennes, entre les Etats membres voulant privilégier une relation réaliste avec la Russie et ceux prônant une action vigoureuse pour réduire leur dépendance énergétique vis-à-vis de ce pays. Lundi 22 février, à Bruxelles, lorsque les ministres européens des affaires étrangères se sont réunis pour adopter un projet de sanctions contre des dirigeants russes impliqués dans l’arrestation et l’incarcération de l’opposant Alexeï Navalny, le sort réservé à Nord Stream 2, un gazoduc sous-marin de 1 200 kilomètres destiné à relier la Russie à l’Allemagne, a été écarté des discussions, du moins officiellement. « C’est un projet commercial, nous n’avons pas à parler de cela », tranchait un participant.
Habituelles pirouettes de la diplomatie européenne : la question a pourtant bel et bien été mise sur la table. Le matin même de la réunion, le ministre des affaires étrangères polonais, Zbigniew Rau, et son collègue ukrainien, Dmytro Kuleba, dénonçaient, dans une tribune, un projet renforçant, selon eux, la maîtrise de Moscou sur les livraisons de gaz, « sabotant » la politique énergétique de l’Union européenne et « coupant l’Ukraine du reste de l’Europe ».
Du côté des défenseurs du projet, tout le monde feint d’oublier que l’une des conditions fixées en 2018 était que l’Allemagne ne ferait transiter du gaz par Nord Stream 2 que si Moscou continuait à faire passer par l’Ukraine une partie de sa production pour l’Europe. Soucieuse des conséquences diplomatiques de son soutien indéfectible au gazoduc, l’Allemagne avait dû se rallier à cette exigence des opposants à Nord Stream 2. « En cela, vous voyez, ce n’est pas seulement un projet économique, il y entre aussi des considérations politiques », déclara, à l’époque, la chancelière Angela Merkel, admettant pour la première fois la dimension « politique » du sujet.
Ce 22 février, illustrant l’éternel conflit entre les valeurs et les intérêts, le ministre des affaires étrangères allemand, Heiko Maas, a, pour sa part, rappelé à ses partenaires européens que quelque 150 firmes allemandes, mais aussi françaises, autrichiennes ou néerlandaises, sont impliquées dans une réalisation qui, si elle était abandonnée, entraînerait le gaspillage de plusieurs milliards d’euros, littéralement jetés à la mer.
Contournement de l’Ukraine
Nord Stream 2, dont la construction devait s’achever fin 2019, doit permettre au géant russe Gazprom d’acheminer annuellement 55 milliards de mètres cubes de gaz vers l’Europe. Le projet, dont le coût total s’élève à 9,5 milliards d’euros, est financé à moitié par Gazprom et à moitié par cinq groupes européens : le français Engie, les allemands Uniper et Wintershall, l’autrichien OMV et l’anglo-néerlandais Shell. Ces derniers devaient à l’origine participer à la construction, mais, étant donné les difficultés diplomatiques, ils se sont résolus à ne prendre part qu’aux opérations financières.
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