Vous vous installez au volant de votre voiture, de préférence américaine, vous placez le boîtier de vitesse automatique en position de conduite, vous bloquez votre limiteur de vitesse aux 75 miles (120 km/h) qu’il ne faut pas dépasser sur les autoroutes interminablement droites des Etats-Unis, et vous allumez l’autoradio.
En route pour une vraie expérience américaine ! Non pas en écoutant de la musique country, du R’n’B ou du rap, mais en vous laissant prendre par un flot de paroles ininterrompues, des éructations, des invectives, des rires nerveux. Vous êtes en train d’écouter le présentateur d’un de ces talk-shows conservateurs qui saturent les ondes du pays.
Le premier et le plus célèbre d’entre eux, Rush Limbaugh, mort le 17 février, a eu droit à un enterrement médiatique national, à la hauteur de ce qu’il a représenté : l’homme qui a changé, pour le pire, la politique américaine. Le Wall Street Journal, propriété de Rupert Murdoch, comme la chaîne conservatrice Fox News, a salué dans un éditorial un représentant « des valeurs traditionnelles américaines que la culture dominante trop souvent rabaisse ».
L’émission de Rush Limbaugh durait trois heures, cinq jours par semaine. Son audience avait baissé, mais avec 15,5 millions d’auditeurs chaque semaine, il restait le numéro un, juste devant Sean Hannity, star de Fox News et faire-valoir préféré de Donald Trump, et d’autres figures comme Mark Levin ou Glenn Beck.
Les huit premiers du même genre totalisent une audience hebdomadaire de plus de 80 millions de personnes. C’est un mouvement moins visible que Fox News ou les réseaux sociaux, mais qui témoigne de la vigueur de cette autre Amérique dont une partie ne croit toujours pas que Joe Biden a été véritablement élu en novembre 2020.
Rush Limbaugh n’y croyait pas non plus. Selon le New York Times, qui s’est appuyé sur une analyse du MIT réalisée entre le 22 novembre 2020 et le 5 janvier, sur quarante-cinq émissions, il a expliqué à trente-deux reprises que les élections étaient truquées. Il s’est pour une fois laissé dépasser par son dauphin Sean Hannity, qui l’a expliqué dans trente-cinq de ses émissions sur quarante-cinq.
Ennemi fantasmé
Rush Limbaugh ne pouvait pas trouver de meilleur président que Donald Trump – qui lui a remis la prestigieuse médaille de la Liberté en 2020 –, un homme de pouvoir qui lui ressemble, utilisant les mêmes techniques de mauvaise foi, sans le moindre surmoi, persuadé que tout ce qu’il dit devient vrai car il vient de l’énoncer. Tous les deux étaient en lutte permanente contre un ennemi fantasmé censé vouloir détruire les sans-voix, qu’ils prétendent représenter.
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