Tribune. « Il n’est pas d’extrême droite, celui-là ? » On entend souvent cette petite phrase ces temps-ci. La question est ancienne. En 2015, Jean-Luc Mélenchon traitait même Alexeï Navalny « d’extrémiste xénophobe » et « d’antisémite ». Si les présupposés idéologiques et les intentions polémiques sont parfois – comme ici – transparents, la question du nationalisme de Navalny ne peut pas être balayée du revers de la main. Elle est aussi soulevée en Russie.
En 2013, l’écrivain Boris Akounine, l’une des figures de l’opposition démocratique, interroge Navalny sur son goût « pour la rhétorique nationaliste », exprimant ses doutes sur sa capacité à diriger un jour le pays. Aujourd’hui, même s’ils saluent son courage, certains opposants au Kremlin se méfient toujours de lui.
Qu’en est-il ? Le nationalisme occupe dans le parcours politique de Navalny une place importante, de la fin des années 2000 au début des années 2010. En 2007, il participe à la création du mouvement « Le Peuple » (Narod), avec l’écrivain national-bolchévique Zakhar Prilepine. A cette période le nationalisme a le vent en poupe. Les agressions des skinheads se multiplient, notamment contre les Caucasiens.
La réaction des autorités face aux attaques racistes est ambiguë, parfois, complaisante. Mais beaucoup de nationalistes sont des adversaires enragés de Vladimir Poutine. C’est l’époque où les adeptes de l’écrivain Edouard Limonov, fondateur du parti national-bolchévique, souvent plus anars que fascistes, manifestent aux côtés de l’opposition libérale. Eux sont réprimés sans pitié.
Alexeï Navalny, au même moment, veut coûte que coûte décloisonner l’opposition libérale, l’ouvrir à d’autres milieux que les classes cultivées des grandes villes. Il décide ainsi de s’adresser à la jeunesse en colère. Pour la séduire, il fait de la lutte contre l’immigration clandestine l’un de ses chevaux de bataille. Il tourne un clip dans lequel il compare implicitement des combattants tchétchènes à des mouches et des cafards, et appelle à légaliser l’usage des armes à feu pour s’en défendre.
De l’anti-immigration à l’anticorruption
Il participe, à partir de 2007, aux « marches russes », qui rassemblent chaque année diverses organisations nationalistes, jusqu’à l’extrême droite la plus radicale. Il prétend de son côté défendre un nationalisme démocratique et, dit-il, « normal », non radical. Cette offensive politique est critiquée dans son camp. Il est exclu du parti libéral Iabloko, dans lequel il militait.
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