Née en 1978, diplômée de l’université d’Etat de Moscou, Tatiana Stanovaya a travaillé pour diverses entreprises russes avant de se concentrer sur son travail académique. En 2018, elle a fondé son propre centre de recherches, R. Politik, un think tank indépendant spécialisé dans l’observation des élites russes. Elle collabore aussi avec le centre Carnegie de Moscou.
Après la condamnation d’Alexeï Navalny à de la prison ferme, le 2 février, le Kremlin en a-t-il fini avec le « problème Navalny » ?
Ce qui se passe en Russie (le mouvement de contestation, sa répression…) n’est pas seulement lié au « facteur Navalny ». Pour beaucoup de Russes ordinaires, Alexeï Navalny reste une figure controversée – 56 % désapprouvent son action, et cette attitude a peu évolué depuis son empoisonnement [en août 2020] et son emprisonnement. Les raisons pour lesquelles le soutien à Vladimir Poutine s’érode sont plus larges : six années consécutives de baisse des revenus, la détérioration des conditions sociales, mais aussi, à partir de 2016, la fin de l’euphorie liée à l’annexion de la Crimée [en 2014].
On estime qu’environ un tiers des Russes se sentent aujourd’hui en opposition au pouvoir ; ce n’est plus une part marginale. Quoi que fasse le Kremlin avec Navalny et son Fonds de lutte contre la corruption, ce mécontentement ne disparaîtra pas. D’autant que le pouvoir russe évolue lui aussi : son autorité repose moins sur sa légitimité populaire et sur son pouvoir de conviction et davantage sur l’autoritarisme et sur une attitude répressive.
Par ailleurs, la destruction systématique de toute opposition place Navalny et ses alliés dans une position paradoxale sur la scène politique russe : celle d’unique force anti-Poutine. L’emprisonnement de Navalny affaiblit tactiquement ce mouvement, mais il crée un défi plus important pour le pouvoir.
Pourquoi le pouvoir est-il passé d’une stratégie consistant à rendre Alexeï Navalny aussi peu visible que possible, à son empoisonnement et à la prison ?
Pour le comprendre, il faut analyser ce qui s’est passé au sommet de l’Etat ces dernières années, notamment l’effacement progressif de Vladimir Poutine dans la gestion quotidienne de l’Etat : après l’annexion de la Crimée, il s’est forgé une présidence plus agréable, détachée des questions ennuyeuses de taxes, de finances, pour se concentrer sur ses vraies passions, la géopolitique, l’histoire, les armes, l’espace…
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