Une trentaine de prisonniers du Hirak ont été libérés vendredi en Algérie, après une grâce accordée par le président Abdelmadjid Tebboune, à trois jours du 2e anniversaire de ce mouvement de contestation du pouvoir. La détention du journaliste Khaled Drareni, devenu le symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie, s’est également terminée.
L’Algérie a libéré vendredi 19 février plus de 30 détenus d’opinion au lendemain d’une grâce accordée par le président Abdelmadjid Tebboune, à trois jours du 2e anniversaire du mouvement algérien de contestation Hirak. Le journaliste Khaled Drareni, devenu symbole du combat pour la liberté de la presse, a également retrouvé sa liberté, selon une annonce de son avocat à l’AFP.
« Il est libre », a déclaré vendredi soir Abdelaghani Badi, l’un des avocats de Khaled Drareni, correspondant en Algérie de la chaîne TV5 Monde et de Reporters sans frontières (RSF), en précisant qu’il s’agissait d’une mesure de « liberté provisoire ».
Réaction à chaud de Khaled Drareni dans la voiture, en route vers chez lui pour retrouver chez proches. Quelle merveilleuse journée.
INOUBLIABLE. pic.twitter.com/bOinFOJBff— Moncef Ait-Kaci (منصف آيت قاسي) (@Moncefaitkaci) February 19, 2021
« Au total, 33 personnes ont été libérées jusqu’ici. Les procédures sont en cours pour le reste », avait indiqué un communiqué du ministère de la Justice quelques heures plus tôt, sans préciser leurs noms.
Des photos et vidéos relayées sur les réseaux sociaux montrent des détenus retrouvant leurs proches dans plusieurs régions du pays. Devant la prison de Koléa, à l’ouest d’Alger, familles, proches, journalistes et militants, attendaient la libération des prisonniers.
Beaucoup espéraient la sortie du journaliste Khaled Drareni, condamné à deux ans de prison en septembre dernier et devenu le symbole du combat pour la liberté de la presse en Algérie. Peu avant sa libération, il n’était pas certain que le correspondant en Algérie de la chaîne TV5 Monde et de Reporters sans frontières, puisse bénéficier de la mesure présidentielle.
Khaled Drareni, 40 ans, attendait que la Cour suprême se prononce le 25 février sur son pourvoi en cassation.
Selon le militant Zaki Hannache, engagé dans la défense des prisonniers d’opinion, ces libérations ont notamment eu lieu dans les wilayas (préfectures) de Bordj Bou Arreridj, Tebessa, M’sila (est), Saïda (ouest), ainsi que dans le Sud, à Tamanrasset et Adrar.
Jeudi 18 février, dans un discours à la Nation très attendu, Abdelmadjid Tebboune a annoncé une grâce présidentielle en faveur de dizaines de détenus du Hirak, perçue comme un geste d’apaisement à l’égard du mouvement de protestation.
« Pas suffisant »
Rachid Nekkaz a également été remis en liberté, selon le Comité national de libération des détenus (CNLD). L’opposant de 47 ans, incarcéré à la prison d’El Bayadh (sud-ouest), avait entamé une grève de la faim vendredi pour protester contre sa détention prolongée, sans jugement, malgré la détérioration de son état de santé selon son entourage.
Cet opposant est détenu depuis décembre 2019, mais son procès n’a toujours pas été programmé. Ses demandes de remise en liberté provisoire ont été rejetées. Il est poursuivi notamment pour « incitation à attroupement non armé » et « publications pouvant porter atteinte à l’unité nationale ».
Parmi les détenus élargis vendredi, figure aussi une militante du Hirak, Dalila Touat, connue comme porte-parole des chômeurs de Mostaganem (nord-ouest). Elle était emprisonnée et en grève de la faim depuis le 3 janvier.
Jeudi 18 février, dans un discours à la Nation très attendu, Abdelmadjid Tebboune a annoncé une grâce présidentielle en faveur de dizaines de détenus du Hirak, perçue comme un geste d’apaisement à l’égard du mouvement de protestation. « Le ‘Hirak béni’ a sauvé l’Algérie. J’ai décidé d’accorder une grâce présidentielle (…) Entre 55 et 60 personnes rejoindront leurs familles » d’ici vendredi soir, avait-il déclaré.
« En tout, entre 55 et 60 personnes rejoindront à partir de ce soir ou demain leurs familles », a-t-il promis, en référence aux personnes graciées, sans divulguer de noms. Un tweet de la présidence algérienne a précisé que la mesure concernait les « auteurs de crimes liés aux technologies de l’information et de la communication ».
Selon le CNLD, quelque 70 personnes sont actuellement en prison en lien avec le « Hirak » et/ou les libertés individuelles. Des poursuites fondées dans au moins 90% des cas sur des publications critiques envers les autorités sur les réseaux sociaux. Le CNLD a publié « une liste des détenus d’opinion » libérés vendredi 19 février.
« Le peuple n’est pas satisfait des décisions du gouvernement, nous voulons construire un pays indépendant et libre, et cette grâce est loin d’être suffisante », a réagi devant l’AFP Moussa Abdelli, un chauffeur de taxi de 57 ans.
Plusieurs militants ont par contre salué ces libérations alors que le pays est miné par une triple crise politique, économique et sanitaire.
Au lendemain de son élection en décembre 2019, M. Tebboune a accordé une grâce à 76 détenus, dont des figures du Hirak, libérés le 2 janvier 2020.
Ce nouveau geste d’apaisement du président, sitôt de retour d’une longue hospitalisation en Allemagne, survient avant le 2e anniversaire du Hirak, le 22 février 2019, qui a forcé l’ex-homme fort Abdelaziz Bouteflika à quitter le pouvoir.
Le Hirak continue à manifester contre le « système » politique
L’initiative du président Tebboune survient à la veille du deuxième anniversaire du Hirak, le 22 février 2019, qui a forcé l’ex-homme fort Abdelaziz Bouteflika à quitter le pouvoir en avril 2019.
Le Hirak, suspendu depuis mars dernier en raison de la crise sanitaire, a repris ses marches à quelques jours de la date anniversaire.
Le mouvement continue d’exiger le démantèlement du « système » politique en place depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962. Des appels à manifester lundi 22 février dans tout le pays circulent sur les réseaux sociaux.
Des milliers d’Algériens s’étaient déjà rassemblés mardi 16 février à Kherrata (est), ville considérée comme le berceau du soulèvement, pour réclamer « la chute du régime » et « la libération des détenus d’opinion ».
Selon des militants, des manifestations ont également eu lieu vendredi à Khenchela et Sétif (est).
Des forces de police et véhicules antiémeutes étaient déployés en grand nombre vendredi, traditionnel jour des marches du Hirak, dans le centre d’Alger.
« À part la libération des détenus (…), Tebboune maintient toujours sa feuille de route et son agenda d’aller aux législatives pour achever le Hirak », déplore Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH).
Abdelmadjid Tebboune a promis de dissoudre l’Assemblée nationale et d’organiser des législatives anticipées d’ici la fin de l’année.
Un remaniement ministériel devrait également intervenir « dans les 48 heures au maximum ».
« En offrant des perspectives électorales et de participation à la vie politique, le président espère changer la donne, et remettre la vie politique dans les institutions pour l’extraire définitivement de la rue », analyse Abed Charef.
Avec AFP
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