Assuré désormais d’une large majorité au Parlement, Mario Draghi, sollicité pour sortir l’Italie de sa paralysie politique en pleine pandémie de Covid-19, pourrait accepter dès vendredi le poste de Premier ministre.
L’ex-président de la Banque centrale européenne (BCE) doit se rendre au Palais du Quirinal pour communiquer formellement son accord au président de la République Sergio Mattarella, qui l’avait choisi pour succéder à Giuseppe Conte, contraint à la démission après l’éclatement de sa coalition.
« Dernière ligne droite pour Draghi », a titré vendredi Il Corriere della Sera, le principal quotidien italien, tandis que le journal Il Messaggero a annoncé en une la « Naissance du gouvernement Draghi ».
M. Draghi, surnommé « Super Mario » pour son rôle dans la crise de la dette de la zone euro en 2012, pourrait dévoiler son gouvernement et prêter serment d’ici la fin du week-end, puis demander la confiance au Parlement en début de semaine, alors que la péninsule, durement frappée par le Covid-19, est en pleine récession.
Depuis que M. Mattarella a fait appel à lui le 3 février, Mario Draghi a mené des entretiens tous azimuts avec les partis politiques représentés au parlement, qui lui ont permis de former un attelage hétéroclite allant du Parti démocrate (PD, centre-gauche) à la Ligue d’extrême droite de Matteo Salvini en passant par le parti de droite Forza Italia de Silvio Berlusconi.
Jeudi, in extremis, l’inclassable Mouvement 5 Etoiles (M5S), antisystème jusqu’à son arrivée au pouvoir, a donné lui aussi son feu vert lors d’un vote en ligne de ses militants, faisant ainsi tomber le dernier obstacle à un gouvernement d’union nationale.
Les difficultés ne font cependant que commencer pour cet Italien affable de 73 ans réputé pour sa discrétion, son sérieux et sa détermination.
– « Lune de miel » –
L’Italie, qui approche de la barre des 100.000 morts dus au Covid, a enregistré en 2020 l’une des pires chutes du PIB de la zone euro, avec un plongeon de 8,9%. La troisième économie de la zone compte beaucoup sur la manne de plus de 200 milliards de fonds européens, conditionnée à la présentation à Bruxelles d’ici fin avril d’un plan détaillé de dépenses.
« Le Covid-19 a aggravé la crise et l’Italie continue à être l’homme malade de l’Europe », résume pour l’AFP Fabio Pammolli, professeur d’économie à l’école de commerce Polytechnique à Milan. Au fil des années, l’Italie a accumulé une dette colossale de près de 2.600 milliards d’euros, soit 158% du PIB fin 2020, le ratio le plus élevé de la zone euro derrière la Grèce.
En tête des priorités figure aussi l’accélération de la campagne vaccinale, affectée comme dans les autres pays européens par des lenteurs d’approvisionnement. Seulement 1,2 million d’Italiens sur 60 millions ont été vaccinés.
D’autres chantiers restés en plan depuis des décennies l’attendent sur son bureau à Palazzo Chigi, siège du gouvernement en plein centre de Rome: remédier à la lenteur de la justice, s’attaquer à la bureaucratie en rendant l’administration plus efficace, et lancer la transition écologique, qui sera coordonnée par un ministère à part entière, le premier du genre en Italie.
Même s’il bénéficie pour l’instant de son aura de « sauveur de la nation », cet homme aux cheveux poivre et sel formé chez les jésuites devra faire preuve de beaucoup d’habileté pour rester en selle sur le long terme face à des partis politiques qui devraient s’agiter de plus en plus à l’approche des prochaines élections, prévues en 2023.
« En politique, comme dans la nature, il y a des cycles: lune de miel, sommet, déclin. Même Draghi ne peut pas défier cette loi », avertit le site d’analyse politique Policy Sonar. « Maintenant il est dans la phase +lune de miel+ et personne n’osera le défier dans les prochains mois », rassure-t-il toutefois.
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