La guerre en Ukraine commencée en février 2022 a bouleversé les rapports diplomatiques en raison de sa soudaineté et sa brutalité. De nombreuses personnalités politiques russes ont rapidement fait miroiter la possibilité d’une escalade nucléaire. Mais face à cette menace, quelles sont les capacités de la France et de quoi est constituée sa force de dissuasion ?
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Plus de quarante jours après le début de la guerre en Ukraine, le 24 février 2022, l’offensive russe patine. La guerre éclair que semblait vouloir mener Vladimir Poutine n’a pas eu lieu, le conflit tournant à la défaveur de l’armée russe. Face au soutien des nations européennes et des pays-membres de l’OTAN à l’Ukraine, Poutine annonçait le 27 février relever le niveau d’alerte des forces nucléaires de la Russie. Une rhétorique belliqueuse destinée aux pays occidentaux et reprise par de nombreuses personnalités du Kremlin, du ministre des affaires étrangères Sergueï Lavrov à l’attaché de presse de Vladimir Poutine, Dmitri Peskov. Dans la foulée, la Russie effectuait du posturing en envoyant dans le nord de l’océan Atlantique quelques sous-marins nucléaires, dans l’objectif d’envoyer un message menaçant aux forces de l’OTAN.
Pour éviter toute escalade, les États-Unis ont aussitôt mis en place une ligne directe avec le Kremlin afin de prévenir tout incident, tandis qu’un test de missile balistique intercontinental Minuteman III était repoussé le 2 mars, pour être finalement annulé le 1er avril. Si les États-Unis possèdent une partie de leur arsenal sur le territoire européen depuis la guerre froide, deux pays de l’ouest de l’Europe sont détenteurs d’une force de frappe et de dissuasion nucléaire : le Royaume-Uni et la France. Au cours des dernières semaines, des membres du gouvernement d’Emmanuel Macron ont rappelé à plusieurs reprises la capacité nucléaire française, dans une logique dissuasive.
Forces marines et aériennes : un trio de choc
Le 24 février, Jean-Yves le Drian, ministre des Affaires étrangères, rappelait sur TF1 que l’OTAN était aussi « une alliance nucléaire », en réponse à des déclarations menaces de Vladimir Poutine. Si la France possède moins de têtes nucléaires déployées que la Russie (environ 1.500 « actives ») et les États-Unis (1.300), son arsenal s’élève à 280 têtes, plus 20 en réserve. Elles se répartissent entre les Forces Océaniques Stratégiques (FOSt) et les Forces Aériennes Stratégiques (FAS). La FOSt, appartenant à la marine nationale, compte quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de classe « Le Triomphant », du nom du premier appareil de cette nouvelle génération de sous-marins rendus opérationnels dès 1997. Chaque SNLE (le Triomphant, le Vigilant, le Terrible, le Téméraire) est capable d’accueillir depuis 2010 seize missiles mer-sol balistiques stratégiques (MSBS) M51. La technicité des M51 se veut redoutable. Ces missiles peuvent supposément atteindre un objectif estimé à 6.000 kilomètres à une vitesse de Mach 15 (19.000 km/h). Depuis 2016, les ogives peuvent emporter plusieurs têtes nucléaires océaniques (TNO), une TNO ayant une puissance estimée de 100 kilotonnes (kT).
Les Forces Aériennes Stratégiques de l’Armée de l’air sont composées de plusieurs escadrons de Rafales, emportant depuis les années 2010 des missiles air-sol moyenne-portée améliorés (ASMP-A). Chaque missile contient une tête nucléaire aéroportée (TNA), pouvant parcourir 500 kilomètres avant de toucher une cible. La puissance d’une TNA serait de 300 kilotonnes. À titre comparatif, la puissance de la bombe larguée sur Hiroshima n’était « que » de 15 kt. La France possède une troisième branche de son arsenal de dissuasion : la Force aéronavale nucléaire (FANu). Créée en 1978, la FANu offre un appui aux Rafales chargés de la dissuasion nucléaire depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle.
La dissuasion comme arme principale
La force nucléaire française est dite « dissuasive », destinée à décourager un ennemi à mener une offensive contre la France. Cette stratégie fait partie de la doctrine dite de « l’équilibre de la terreur » ou encore « destruction mutuelle assurée », élaborée dès la guerre froide, alors que les États-Unis et l’Union soviétique démarraient une véritable course à l’armement nucléaire. L’équilibre de la terreur dispose du fait suivant : si une nation possédant des forces de dissuasion est attaquée, elle peut être en capacité de détruire proportionnellement l’agresseur.
Dans le contexte de la guerre en Ukraine, qui ravive des tensions géopolitiques avec la Russie, la France continue de démontrer l’étendue de ses capacités. Le journal Air & Cosmos révélait le 17 mars 2022 que la marine nationale avait optimisé le cycle de patrouille des SNLE, permettant ainsi de déployer trois sous-marins en eaux profondes. Dans une logique de discrétion absolue concernant les manœuvres des forces de dissuasion, l’information n’a ni été démentie ni confirmée. Le 24 mars, l’Armée de l’air testait une version modernisée d’un ASMP-A près de Cazaux, en Gironde. De nombreux experts ont ainsi constaté qu’à l’inverse des États-Unis, la France avait choisi de ne pas annuler l’opération, prévue depuis plusieurs mois. Avec un retour à des bras de fer diplomatiques dignes de la guerre froide, la France montre ainsi qu’elle n’a rien perdu de ses capacités.
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