Quatre jours après le coup d’État en Birmanie, les arrestations continuent avec l’interpellation, jeudi, de Win Htein, l’un des bras droits d’Aung San Suu Kyi. À Rangoun, des centaines de manifestants se sont réunis pour protester contre le putsch. Alors que l’ONU a adouci le ton, le président américain Joe Biden, lui, exhorte les généraux putschistes à « renoncer au pouvoir ».
Win Htein, l’un des bras droits d’Aung San Suu Kyi renversée par un coup d’État en début de semaine en Birmanie, a été interpellé, vendredi 5 février, tandis que le président américain Joe Biden appelle les généraux putschistes à « renoncer au pouvoir », mais que l’ONU baisse le ton.
Quatre jours après le passage en force de militaires, les arrestations se poursuivent dans le pays, et la contestation s’intensifie malgré la peur des représailles.
Win Htein, 79 ans, un vétéran de la Ligue nationale pour la démocratie (NLD), parti d’Aung San Suu Kyi, « a été interpellé au domicile de sa fille » à Rangoun, vendredi à l’aube, a indiqué le porte-parole du mouvement.
À Rangoun, les manifestations continuent contre le putsch
« Je m’attends à être arrêté, mais je ne suis pas inquiet. Nous sommes habitués à la lutte pacifique », avait déclaré mercredi sur RFI Win Htein, qui a passé plus de vingt ans en détention sous la junte, de 1989 à 2010.
Min Htin Ko Ko Gyi, un réalisateur, qui a déjà fait de la prison pour avoir critiqué l’armée, a également été interpellé, d’après son neveu.
Au total, près de 150 responsables politiques, dont des députés, ont été arrêtés de lundi à jeudi, d’après les données de l’Association d’assistance aux prisonniers politiques, une ONG basée à Rangoun. Plus d’une dizaine d’activistes sont également détenus, selon elle.
Manifestation contre le putsch à Rangoun
Des centaines de manifestants se sont réunis, vendredi à Rangoun, pour protester. Plusieurs centaines de professeurs et d’étudiants se sont réunis devant l’université Dagon. C’est la première manifestation d’importance contre le putsch.
Les manifestants ont fait le salut à trois doigts, un geste de résistance utilisé par des mouvements prodémocratie – notamment en Thaïlande –, scandant un vieux chant popularisé lors du soulèvement de 1988 violemment réprimé par l’armée et « longue vie à mère Suu » Kyi.
« Tant qu’ils [les généraux] garderont le pouvoir, nous ne viendrons pas travailler. Si tout le monde fait ça, leur système ne tiendra pas », a déclaré à l’AFP Win Win Maw, professeur du département d’histoire.
Des fonctionnaires de plusieurs ministères ont également cessé temporairement le travail dans la capitale, Naypyidaw, arborant un ruban rouge, couleur du parti d’Aung San Suu Kyi, selon des journalistes de l’AFP.
Par ailleurs, les événements en Birmanie restent au cœur de l’agenda international.
Soutien de Pékin et Moscou
Joe Biden a exhorté les généraux putschistes à « renoncer au pouvoir », son administration envisageant des « sanctions ciblées » contre certains militaires.
Mais l’ONU a adouci le ton. Le Conseil de sécurité a adopté une déclaration commune, exprimant sa « profonde préoccupation » et appelant à la libération des détenus. Le texte ne condamne finalement pas le coup d’État.
La Chine et la Russie se sont en effet opposées à une telle formulation, selon des diplomates s’exprimant sous couvert d’anonymat.
Pékin reste le principal soutien de la Birmanie aux Nations unies, où la Chine a contrecarré toute initiative contre l’armée lors de la crise des musulmans rohingyas.
Les généraux birmans ont mis brutalement fin cette semaine à la fragile transition démocratique du pays, qui a déjà vécu près de 50 ans sous un régime militaire depuis son indépendance en 1948.
Aung San Suu Kyi, 75 ans, mise au secret depuis lundi, a été inculpée pour avoir enfreint une obscure règle commerciale.
« Traîtres nationaux vendus à des pays étrangers »
Toutefois, le putsch a aussi ses supporters. Plusieurs centaines d’entre eux se sont réunis jeudi à Naypyidaw. « On ne veut plus des traîtres nationaux vendus à des pays étrangers », pouvait-on lire sur des pancartes.
Le chef de l’armée birmane, Min Aung Hlaing, qui concentre désormais l’essentiel des pouvoirs, a justifié son putsch en allégeant d’ »énormes » fraudes lors des législatives de novembre, remportées massivement par la NLD.
Mais les observateurs internationaux n’ont pas décelé de problèmes majeurs lors de ce scrutin.
En réalité, les généraux craignaient que, malgré une Constitution qui leur est très favorable, leur influence diminue après la victoire de la prix Nobel de la paix 1991, estiment des analystes.
Avec AFP
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