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« Mob Rule », ou le gouvernement par l’émeute

Histoire d’une notion. Les événements survenus à Washington, le 6 janvier, lorsque des sympathisants de Donald Trump ont fait irruption au Capitole, ont soulevé une puissante vague d’indignation aux Etats-Unis. Une expression s’est imposée. Commentateurs et responsables politiques y ont presque tous vu la manifestation d’une chose détestable dite « Mob Rule », ou « le gouvernement par la foule » : une foule dépourvue de raison, qui parvient à dicter sa loi par l’intimidation. Même l’ancien leader de la majorité au Sénat, le républicain Mitch McConnell, longtemps proche de Trump, y a fait allusion. Pour lui, les violences étaient le fait « d’une foule abreuvée de mensonges », les individus réunis ont été « incités » par le « président » à marcher sur le Capitole. Ce désaveu venant d’un sycophante soi-disant repenti montre bien à quel point cette journée a réveillé une hantise nationale, aussi vieille que la Constitution américaine.

En effet, « lors de la Convention de 1787, une crainte occupait tout particulièrement les esprits : les foules excitées par des démagogues et prêtes à lancer l’assaut contre le gouvernement », rappelle Jeffrey Rosen, président du Constitution Center, à Philadelphie (Pennsylvanie). Des troubles avaient éclaté l’année précédente et faisaient redouter que l’ancienne colonie sombre dans l’anarchie : la révolte de Shays (août 1786-février 1787). Des fermiers accablés de dettes s’en prirent alors à différents tribunaux, les incendiant parfois. Les Pères fondateurs s’inquiétaient d’autant plus qu’à l’étranger les tentatives les plus récentes de construire une république oscillaient entre l’instabilité et le chaos.

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« En Angleterre, le régime instauré après l’exécution de Charles Ier en 1649 s’était effondré dix ans plus tard dans un bain de sang. Les Pères fondateurs en avaient conscience au moment où ils s’apprêtaient à créer quelque chose d’encore plus ambitieux : une république démocratique », explique Caroline Winterer, professeure d’histoire à l’université Stanford (Californie).

Lecture des auteurs antiques

Peu avant la Convention, James Madison (1751-1836), l’un des principaux rédacteurs de la Constitution américaine, se plongea donc dans la lecture des auteurs antiques. Thomas Jefferson (1743-1826), qui se trouvait alors à Paris, lui avait envoyé des malles entières chargées de livres. « L’historien grec Polybe l’intéressait tout particulièrement, notamment parce qu’il établissait une théorie des cycles politiques par la dégénérescence de régimes successifs », précise Caroline Winterer. La monarchie commence la séquence, vient ensuite la tyrannie, puis l’aristocratie, qui vire à l’oligarchie. La démocratie apparaît alors, avant de sombrer dans l’ochlocratie, le gouvernement par la foule.

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