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Birmanie : Min Aung Hlaing, l’héritier de la junte militaire

Min Aung Hlaing, le commandant en chef de l’armée birmane, est le nouvel homme fort incontesté du pays après la coup d’État de lundi. Il est l’héritier désigné de Tan Shwe, le dernier chef de la junte militaire birmane.

Au lieu de se préparer tranquillement à la retraite en juillet comme prévu par la loi, Min Aung Hlaing s’est hissé à la tête de la Birmanie. Beaucoup moins connu sur le scène internationale qu’Aung San Suu Kyi, ce général de 65 ans concentre désormais l’intégralité des pouvoirs entre ses mains depuis le coup d’État, orchestré par l’armée birmane lundi 1er février.

Après l’arrestation de l’ex-dissidente devenue cheffe de gouvernement de facto depuis 2016, les militaires ont assuré que des élections libres auraient lieu dans un an, mais impossible de savoir s’ils tiendront parole. « Le but de l’armée a toujours été de diriger le pays », rappelle Nehginpao Kipgen, directeur adjoint du Center for Southeast Asian Studies à l’université O.P. Jindal Global (en Inde) et spécialiste de la Birmanie, contacté par France 24. 

Apparatchik de la junte militaire

Min Aung Hlaing, lui-même, compte depuis longtemps exercer seul le pouvoir sans avoir à s’encombrer d’un(e) civil(e) à la tête du gouvernement, d’après une enquête publiée par le New York Times en 2017. « Son plan est d’être président en 2020 », y assurait déjà U Win Htein, conseiller d’Aung San Suu Kyi.

Les résultats des élections législatives de novembre 2020 ont douché ses ambitions. La Ligue nationale pour la démocratie, le parti d’Aung San Suu Kyi, a profité du scrutin pour confirmer sa place de première puissance politique du pays (258 sièges), tandis que le Parti de l’union, de la solidarité et du développement, réputé proche de l’armée, a perdu quatre sièges (26). 

Un revers électoral que Min Aung Hlaing n’a pas accepté. Et depuis les législatives, l’escalade des tensions politiques semblait aboutir inévitablement au coup d’État. Les militaires « ont d’abord contesté les résultats, alléguant des ‘fraudes massives’, puis, après la validation du scrutin par la Commission électorale, ils ont assuré ne pas avoir d’autre choix que de prendre le pouvoir par la force », rappelle Nehginpao Kipgen.

Avec Min Aung Hlaing, l’armée a mis à la tête du pays l’incarnation de l’apparatchik du système militaire birman. Il a grandi à Rangoun, où il a intégré l’académie militaire à 18 ans après avoir fait un rapide détour de deux ans à la faculté de droit.

Difficile de se faire une idée précise de la personnalité du jeune apprenti soldat tant les récits à son sujet divergent. Certains amis d’enfance l’ont décrit comme taciturne et réservé à Reuters, tandis que d’autres ont assuré qu’il était une « brute qui avait tendance à humilier ses camarades », d’après des témoignages recueillies par le New York Times. Hla Oo, un écrivain birman exilé en Australie qui l’a connu dans son enfance, se rappelle d’un jeune homme appliqué et studieux qui « s’est endurci au combat dans les rangs de l’armée« .

Mais tous s’accordent à dire qu’il n’avait pas l’étoffe d’un futur général en chef appelé à devenir président de la Birmanie après un coup d’État militaire. « Il a gravi les échelons lentement, mais sûrement », souligne à Reuters un ancien officier de l’académie militaire. « Ce n’était pas quelqu’un qui ressortait du lot dans l’armée birmane », confirme Nehginpao Kipgen à France 24.

Sa chance fût se retrouver dans la division 88 de l’infanterie légère, qui était commandée à l’époque par un certain colonel Than Shwe. Min Aung Hlaing en fait son mentor et a continué sa carrière dans l’ombre de celui qui, à partir 1992, va devenir le chef de la junte militaire.

L’homme de la persécution contre les Rohingya

Cette proximité a probablement joué lorsqu’en 2011, Than Shwe fait de Min Aung Hlaing son successeur et le premier chef d’une armée de l’ère post-junte militaire. Mais il doit surtout sa nomination, alors même que d’autres généraux plus expérimentés étaient prêts à prendre la suite, « au fait que Than Shwe pensait qu’il serait le mieux placé pour perpétuer sa vision pour l’armée et le pays », assure Nehginpao Kipgen.

C’est donc un héritier, fidèle à la vision d’une armée birmane politiquement toute puissante, qui va composer avec Aung San Suu Kyi pour mener le processus de démocratisation du pays. Min Aung Hlaing va alors jouer sur deux tableaux. D’un côté, il « s’est montré très prudent dans ses rapports avec la cheffe du gouvernement, évitant autant que possible la confrontation ouverte », souligne Nehginpao Kipgen.

De l’autre, il fait tout pour montrer que l’armée reste le véritable maître du jeu politique. Il a multiplié les voyages officiels, notamment en Chine et au Japon. Il a aussi reçu des dignitaires étrangers, tels que le pape François en 2017. Il utilise aussi abondamment les réseaux sociaux pour poster des images de toutes ses rencontres avec les grands de ce monde. « Il est très fort pour cultiver une image d’homme d’État, en faisant attention au moindre détail », résume U Min Zin, directeur de l’Institut birman pour les études stratégiques, interrogé par le New York Times. 

Mais à l’étranger, ce n’est pas son habileté politique qui l’a fait connaître. Min Aung Hlaing est avant tout l’homme de la persécution contre la minorité des Rohingya à partir de 2016. « Même s’il n’est pas directement et personnellement impliqué militairement, en tant que chef de l’armée, il a obligatoirement validé cette campagne », note Nehginpao Kipgen.

Min Aung Hlaing défend ouvertement sur Facebook et Twitter l’action de l’armée birmane, accusée par plusieurs pays de mener un « génocide » contre les membres de cette communauté musulmane. Il utilise, notamment, uniquement le terme « bengalais » pour désigner les Rohingya, suggérant ainsi qu’ils sont des étrangers qui n’ont rien à faire sur le sol birman. Il a aussi justifié l’action de l’armée en affirmant, à plusieurs reprises, qu’il fallait que « nos régions soient contrôlées par les races nationales ».

Des déclarations qui lui ont valu d’être interdit de séjour aux États-Unis et banni à vie de Twitter et Facebook.

Avec l’arrivée au pouvoir suprême de Min Aung Hlaing, il semble que l’aile dure de l’armée birmane a décidé de sonner la fin de la récré démocratique. Et ceux qui se réjouissant à l’idée que l’héritier de Than Shwe prenne sa retraite en sont pour leur frais.

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