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ReportageAprès vingt-sept ans d’exactions, les motivations du groupe armé créé en Ouganda, rallié à l’Etat islamique en 2019, restent floues.
Joël* habite un village à deux heures de marche de la commune de Mangina, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Le jour de sa fuite, fin 2021, il a couru si vite qu’il ne lui a fallu qu’une trentaine de minutes pour atteindre cette cité de la province du Nord-Kivu. Il tentait d’échapper aux « ennemis » arrivés chez lui en milieu de matinée, qui ont tiré avec des armes à feu avant d’assassiner des habitants « à coups de machette et de hache ». Cet enseignant attribue l’assaut, et toutes les attaques qui se sont déroulées récemment dans la zone, aux Forces démocratiques alliées (ADF) sans en avoir la preuve, ni en comprendre les raisons. « Ils nous tuent alors que nous ne leur avons jamais causé de problème », lâche le jeune homme.
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Environ 5 000 familles se sont réfugiées comme lui depuis la fin du mois de novembre à Mangina, située à la limite de la province de l’Ituri. La ville n’est pourtant pas épargnée par les incursions de groupes armés, qui sont plus d’une centaine dans cette région en proie à la violence depuis plus de vingt ans. Mais « c’est pire chez nous », déplore un vieillard originaire d’Ituri, arrivé en fin d’année. Depuis son arrivée à Mangina, ce doyen habite avec son épouse, et une soixantaine de ménages, dans un hangar en bois, que les ONG locales ont divisé en pièces de deux mètres carrés chacune. Tous racontent avoir fui les attaques des ADF.
A la frontière de Busunga entre l’Ouganda et la République démocratique du Congo, le 11 février 2022. SUMY SADURNI POUR « LE MONDE »
Ce groupe armé originaire de l’Ouganda voisin, créé par des adeptes du mouvement de prédication islamique tabligh, s’était installé côté congolais en 1995, avec le soutien de Mobutu Sese Sekodu, le chef de l’Etat du Zaïre (actuelle RDC), autour du Rwenzori, une chaîne de montagnes que se partagent le Congo et l’Ouganda. « A cette époque, ils vivaient avec les villageois en brousse et faisaient du commerce avec eux, notamment de bois et d’huile de palme », rappelle Noëlla Kathongerwaki, ancienne vice-présidente de la société civile du Nord-Kivu, un regroupement d’associations citoyennes. « Ils sont devenus violents brusquement en 2014 », poursuit-elle. D’octobre 2014 à décembre 2015, plus d’un demi-millier de civils ont été tués, estime le Groupe d’experts sur le Congo (GEC). « Ce sont les pressions militaires exercées sur les ADF pendant et après 2014 qui semblent avoir déclenché les attaques visant la population », assuraient ces chercheurs internationaux dans un rapport de 2018.
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