LETTRE D’ATHÈNES
Des réfugiés attendent devant le centre de détention de Moria à Lesbos (Grèce), le 5 décembre 2021. ANDREAS SOLARO / AFP
« Je comprends la douleur des réfugiés ukrainiens, moi aussi j’ai fui mon pays, la Syrie, j’ai laissé derrière moi ma famille, mes amis, sans savoir quand je les reverrai… » Le 28 février, Omar Alshakal, 28 ans, installé sur l’île grecque de Lesbos où il a fondé son ONG Refugee 4 Refugees, prend un avion direction Suceava en Roumanie avec trois bénévoles, un Irakien, un Marocain et une Norvégienne. « Je ne pouvais pas rester les bras croisés, je voulais apporter ne serait-ce qu’un sourire, de la nourriture ou des vêtements chauds aux Ukrainiens qui fuient les bombes », explique le jeune homme originaire de Deir ez-Zor, ville du nord-est syrien.
A son arrivée en Roumanie, la neige et un vent glacial l’attendent. « Il fait − 1 °C, il y a beaucoup de femmes et d’enfants qui marchent dans le froid et attendent pendant plus de vingt heures avant d’arriver du côté roumain », relate Omar Alshakal dans une vidéo postée sur son compte Facebook. Ces images de familles apeurées, désemparées, affamées lui rappellent des souvenirs, celles des « routes de l’exil qui malheureusement se ressemblent ».
En 2013, la vie d’Omar Alshakal bascule. L’opposant au régime de Bachar Al-Assad, qui a déjà séjourné dans les geôles syriennes, conduit une ambulance près de Deir ez-Zor quand une bombe s’écrase près du véhicule. Il s’en sort, blessé à la jambe. Les autres passagers ne survivent pas. S’ensuit la route de l’exil. En Turquie, il tente de se faire soigner et de reprendre des forces. Puis, en 2014, il entreprend une traversée périlleuse vers la Grèce. Maître-nageur de formation, il décide de nager jusqu’à l’îlot de Pserimos, au large de Kalimnos, pendant quatorze heures ! Il est repêché par des garde-côtes grecs stupéfaits. Son parcours le mène finalement jusqu’en Allemagne.
En 2016, les canots continuent d’affluer sur les îles grecques et la vie des migrants se complique avec la fermeture des frontières et l’accord entre l’Union européenne et la Turquie qui leur interdit de quitter les îles le temps de l’étude de leur demande d’asile. Omar Alshakal dit avoir voulu alors se « sentir utile ». Il revient faire du bénévolat avec plusieurs ONG puis finit par monter la sienne en 2017.
A Lesbos, où il travaille depuis, il pense que « l’humanité s’est perdue derrière les barbelés ». Depuis l’arrivée au pouvoir du gouvernement conservateur en 2019, la politique migratoire en Grèce s’est durcie, les demandeurs d’asile étant au fur et à mesure isolés dans des camps fermés auxquels les ONG et les médias ont un accès limité. Surtout, selon plusieurs enquêtes, les refoulements illégaux et violents de migrants aux frontières maritimes et terrestres de la Grèce se multiplient, d’où la baisse significative des arrivées depuis 2020.
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