Chronique. Quelques jours seulement après le début de l’offensive russe, l’Ukraine a reçu un soutien inattendu, venu de l’autre bout du monde. Mardi 1er mars, un drapeau ukrainien flanqué du slogan « Slavia Ukraini » (« gloire à l’Ukraine ») a surgi sur l’artère principale de Nuuk, la capitale du Groenland peuplée d’environ 17 000 habitants, posé là par des chasseurs qui vendent, dans un froid polaire, des morceaux de viande de phoque ou de renne pour arrondir leurs fins de mois. Sur le bout de carton peint en bleu et jaune, on pouvait lire cette autre inscription, rédigée cette fois-ci en groenlandais : « Qanoq Iliussaanga ? » (« que pouvons-nous faire ? »). Qu’un chasseur de phoque au Groenland se mobilise en faveur de l’Ukraine en dit long sur la résonance planétaire de l’invasion russe, et l’effroi qu’elle a suscité.
Cela livre un autre enseignement : le Groenland est, paradoxalement, le pays le plus reculé et le plus isolé de la planète… et l’un des plus exposés à cette guerre. D’abord sur le plan économique : l’invasion russe a propulsé les prix des matières premières à des niveaux records. L’indice S&P GSCI, baromètre des cours des matières premières, a bondi de 16 % la semaine dernière, sa plus forte hausse en cinquante ans, et a dépassé un niveau jamais atteint depuis 2008.
Cette augmentation pourrait déclencher une ruée minière sans précédent au Groenland, la plus grande île au monde avec ses 2 millions de kilomètres carrés qui regorgent de ressources, du plomb au fer en passant par le titane ou l’or. Ces dernières étaient jusqu’à présent inexploitées en raison du coût élevé de l’extraction et des défis logistiques que cela pose. Les galeries souterraines doivent être chauffées pour éviter que les jets d’eau à haute pression ne se transforment en glace, les moteurs des pelleteuses et des camions doivent aussi être chauffés la nuit pour qu’ils puissent redémarrer le lendemain. L’isolement du pays complique également les opérations : en cas de panne, la moindre pièce détachée doit être acheminée sur des milliers de kilomètres, ce qui peut prendre des semaines.
Terres rares
Pour l’instant, des entreprises d’exploration dépensent plusieurs centaines de millions d’euros pour cartographier le sous-sol du Groenland. Elles envoient par hélicoptère tentes et matériel pour réaliser des carottes de forage. Les données sont ensuite revendues à des entreprises tentées de se lancer dans l’aventure minière. Le réchauffement climatique, conjugué aux progrès technologiques et à la hausse de la demande en terres rares, aiguisait déjà les appétits. La hausse des cours pourrait inciter les industriels à ouvrir de nombreuses mines au Groenland. Le gouvernement y est favorable, car il y voit un moyen de renforcer son indépendance économique vis-à-vis du Danemark, qui finance, à hauteur d’environ 500 millions d’euros, la moitié de son budget annuel. Seule exception : l’exploitation d’uranium y est interdite depuis novembre 2021 par crainte des conséquences sur l’environnement, notamment halieutique. La pêche représente 90 % des exportations du pays.
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