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Cours de céréales: cette bombe russe qui explose à la face du monde

Challenges – Quels pays importateurs de céréales sont les plus vulnérables à la flambée des cours? 

Diane Mordacq – L’Ukraine et la Russie, tous deux dotés de terres noires (chernozem) très fertiles (64% du territoire ukrainien), sont de grands pays céréaliers, mais pas seulement. Selon la FAO, en 2020, la Russie produisait 11,4% du blé mondial, contre 3% pour l’Ukraine; 1% du maïs mondial, contre 3% pour l’Ukraine; 3,6% du colza mondial, contre 3,5% pour l’Ukraine et 26,5% du tournesol mondial, contre 26% pour l’Ukraine.

Compte tenu de leurs besoins extérieurs limités, ces deux pays disposent de grands volumes à l’export. L’Ukraine représente 50% des exportations mondiales de tournesol, 20% de maïs, 20% de colza et 12% desexportations mondiales de blé. Les exportations par la mer Noire, seule porte de sortie maritime des produits agricoles ukrainiens et russes dans la région, sont actuellement paralysées par le conflit.  

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Concernant les exportations de céréales, certains pays en dépendent pour l’alimentation humaine. C’est notamment le cas des pays méditerranéens. Prenons l’exemple du blé tendre, dont la farine est indispensable à la fabrication de pain. Sur l’année 2020, l’Égypte dépendait à 90% de la Russie et de l’Ukraine, la Turquie à 80%, le Liban à 70% et la Tunisie à 40%… Les plus petits pays, qui importent de petites plus quantités sont moins exposés au risque, car leurs importations sont plus facilement substituables. Une autre catégorie de pays regroupe ceux dont la dépendance concerne l’alimentation animale. C’est notamment le cas de l’Union Européenne, qui dépend à 50% de l’Ukraine pour le maïs. Les pays de l’UE les principaux touchés par le conflit sont les Pays-Bas (l’Ukraine représente 50% des importations), le Portugal (40%), l’Espagne (30%) et l’Italie (15%).  

La flambée des cours des céréales n’est-elle pas aussi une bonne nouvelle pour les producteurs comme la France?

La flambée des cours n’est une vraie bonne nouvelle pour personne car elle traduit une situation de tensions. Les prix atteignent des records: le blé tendre a atteint 415 €/t, le maïs 420 €/t, le colza 821 €/t (prix au 05/03/2022). Certains agriculteurs français ont encore des stocks de la dernière récolte, qu’ils peuvent vendre aux prix du marché. Tous peuvent néanmoins conclure des contrats de vente pour la prochaine récolte à prix fort: les contrats en blé atteignent ces jours-ci les 300 €/t. Afin de conclure des contrats, les agriculteurs doivent estimer en amont la quantité de blé qu’ils produiront et sa qualité. Cet exercice est difficile, d’autant plus que le changement climatique rend les prévisions de moins en moins précises. Concernant l’élevage, le prix des aliments augmente de manière exponentielle. Parallèlement, le prix de la viande n’augmente pas, ou alors que très légèrement. Certains vont être obligés d’arrêter leurs élevages car ils travaillent à perte. La viande bovine est une exception, son prix de vente a augmenté de plus de 10% depuis un an. La bonne nouvelle est donc à nuancer!  

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Les tensions prévisibles sur les engrais peuvent-elles se traduire par des baisses de rendements dans les pays producteurs pour la prochaine campagne? 

La guerre en Ukraine a plusieurs incidences sur les engrais. D’abord, la Russie représente 10% et 25% des approvisionnements en engrais en France et en Europe. Ensuite, la Russie, fournisseur de gaz, participe à la création d’engrais d’autres pays. Le risque n’est pas que les agriculteurs manquent d’engrais pour cette récolte, mais que leur compétitivité soit pénalisée par la hausse des prix. La situation stimule la recherche pour la production d’ammoniac, produit à partir d‘hydrogène par électrolyse et non de gaz naturel comme c’est le cas aujourd’hui. 

Imaginez-vous une crise en cascade sur les filières d’élevage en particulier la volaille au Brésil? 

Contrairement aux bovins qui se nourrissent à 64% d’herbes, les volailles et porcins se nourrissent principalement d’aliments à base de tournesol, blé, orge, soja et maïs. La hausse des prix de ces produits agricoles et le risque de rupture d’approvisionnement touchent de plein fouet ces deux filières. Bien que le soja ne soit pas cultivé en Ukraine ni en Russie, son prix augmente car il apparait comme une alternative. C’est une double peine pour la filière porcine, déjà affaiblie en 2021 par le rétablissement de la production chinoise.  

Le Brésil, plus grand exportateur de poulet au monde, dépend principalement de la Russie pour les engrais. Si les approvisionnements venaient à faire défaut la production de soja pourrait diminuer, ce qui n’est pas de bon augure pour la filière volaille.  

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