Editorial du « Monde ». Ses premières semaines à la tête de l’Allemagne avaient fait surgir une question qui était même devenue un hashtag sur les réseaux sociaux : « Où est Olaf Scholz ? » Malgré l’attitude de plus en plus menaçante de la Russie, le nouveau chancelier allemand, au pouvoir depuis le 8 décembre 2021, refusait de dire clairement quel sort il réserverait au gazoduc Nord Stream 2 en cas d’attaque de l’Ukraine et opposait une fin de non-recevoir aux demandes insistantes de Kiev en matière de livraisons d’armes. Au point que le doute s’était installé, dans certaines capitales européennes et jusqu’à Washington, sur la « fiabilité » de l’Allemagne vis-à-vis de ses alliés.
Ce doute n’existe plus. Mardi 22 février, moins de vingt-quatre heures après la reconnaissance des républiques séparatistes de l’est de l’Ukraine par Vladimir Poutine, Olaf Scholz a annoncé la mise à l’arrêt de Nord Stream 2. Samedi 26 février, deux jours après le début de l’offensive russe, il a donné son feu vert aux livraisons d’armes à l’Ukraine. Et le lendemain, devant le Bundestag, il a tenu un discours historique dans lequel il a notamment annoncé que l’Allemagne allait augmenter ses dépenses militaires à plus de 2 % de son PIB (contre 1,5 % aujourd’hui), au-delà du minimum fixé par l’OTAN.
La portée de ces décisions est considérable. En quelques jours, l’Allemagne est sortie de la zone de confort où elle se trouvait depuis la fin de la seconde guerre mondiale : celle d’un géant économique doublé d’un nain géopolitique. « Il est clair que nous devons investir beaucoup plus dans la sécurité de notre pays », a déclaré Olaf Scholz, dimanche, devant le Bundestag. « Aujourd’hui, l’Allemagne est en train de rompre avec une forme de retenue particulière en matière de politique étrangère et de sécurité. Si le monde change, notre politique aussi doit changer », a déclaré, de son côté, sa ministre des affaires étrangères, Annalena Baerbock.
Assume sa responsabilité
Il faut saluer ce tournant. Comme il fallait se réjouir de la décision prise par Angela Merkel, au début de la pandémie de Covid-19, de sacrifier le tabou allemand de la dette commune et de faire le choix de la solidarité européenne en pesant, aux côtés de la France, pour l’adoption du plan de relance de juillet 2020.
On peut regretter que, dans les deux cas, l’Allemagne ait trop longtemps tardé à sauter le pas. Mais l’essentiel est qu’au moment décisif elle soit au rendez-vous de l’histoire. Elle l’est aujourd’hui, comme elle l’a été en 2020, en assumant la responsabilité que lui confèrent son rang de première puissance économique du continent mais aussi tout le poids de son histoire.
De ce point de vue, ceux qui, à l’instar de Jean-Luc Mélenchon, s’inquiètent depuis dimanche des dangers d’un « réarmement » de l’Allemagne se trompent lourdement. Le tournant engagé par Berlin n’est pas un tournant nationaliste mais un tournant européen. « Le défi consiste à renforcer la souveraineté de l’Union européenne. Pour l’Allemagne et pour les autres pays de l’UE, cela signifie qu’il ne faut pas seulement se demander ce que l’on peut obtenir pour son propre pays à Bruxelles, mais se demander ce qui est le mieux pour l’Union », a déclaré Olaf Scholz.
L’Allemagne s’est vu souvent reprocher, ces dernières années, et notamment en France, de se comporter comme une « grande Suisse », indifférente aux fracas géopolitiques de ce début de XXIe siècle. Elle rompt aujourd’hui avec cette frilosité. Il faut s’en féliciter.
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