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Comme un air de déjà-vu. Les rues du quartier de Nyamirambo, qui comptent d’ordinaire parmi les plus animées de Kigali, sont à nouveau vides. Seuls quelques commerçants patientent devant leurs magasins pour des clients qui se font rares. Face à une deuxième vague du Covid-19 bien plus virulente que la première, les autorités ont décidé, lundi 18 janvier, de reconfiner la capitale rwandaise pour au moins deux semaines. Le reste du pays est soumis à un couvre-feu à 18 heures.
Un coup dur pour Said Mahinyuza, qui erre sans but sur le trottoir. « J’en suis réduit à mendier pour manger. J’aide à décharger le camion du laitier pour avoir un peu de lait ou je traîne autour des cantines encore ouvertes dans l’espoir qu’on me donne quelque chose », souffle-t-il.
Ce coiffeur, comme de nombreux habitants de la capitale rwandaise, a une fois de plus perdu d’un seul coup son salaire journalier et n’a pas réussi à obtenir les aides alimentaires du gouvernement. « J’ai vraiment peur que le confinement soit prolongé. Mon travail, c’est ma vie. A la maison, qu’est-ce que je peux faire ? Je ne peux pas vivre d’amour et d’eau fraîche » lâche-t-il, dépité.
Le Rwanda s’est distingué dès le début de la pandémie par des mesures très strictes qui lui avaient permis jusqu’ici de contenir le virus, lui valant les louanges de la communauté internationale : un premier confinement total fin mars décrété une semaine après la découverte du premier cas, puis un déconfinement graduel avec port du masque obligatoire, un couvre-feu et la fermeture de toutes les écoles jusqu’en novembre – les maternelles et les premières années de primaire n’ont toujours pas rouvert dans la capitale.
Plus de 14 000 cas
Quiconque était pris en flagrant délit de violation des directives du gouvernement se voyait conduit dans un stade, parfois même en pleine nuit, pour être « sensibilisé » aux risques de propagation du virus.
Mais si les contaminations sont longtemps restées limitées, elles augmentent désormais jusqu’à des niveaux jamais atteints lors de la première vague épidémique. Le pays a ainsi enregistré deux records journaliers les 25 et 26 janvier avec respectivement 336 et 574 cas positifs. « Il est possible que cela soit la conséquence directe de l’augmentation de notre capacité à tester. Avant, les cas pouvaient être présents sans que nous les ayons détectés », avance Julien Niyingabira, porte-parole du ministère de la santé.
Depuis quelques semaines, des tests rapides sont en effet disponibles à 10 euros maximum dans une cinquantaine de cliniques privées à travers tout le pays, tandis que le gouvernement s’est embarqué dans une campagne de dépistage massive à Kigali.
Le Rwanda a ainsi dépassé la barre des 14 000 cas depuis le début de la pandémie et compte actuellement quelque 5 000 cas actifs. Des chiffres minimes par rapport au reste de la région – le Kenya voisin a, par exemple, enregistré environ 100 000 cas –, mais qui risquent de peser lourdement sur les capacités hospitalières de ce petit pays d’Afrique centrale.
L’espoir des vaccins
Selon le ministère de la santé, 419 lits en centres spécialisés sont disponibles pour les patients atteints de symptômes graves du Covid-19. Ils sont actuellement occupés à plus de 60 %. Le pays, l’un des plus densément peuplés d’Afrique, ne compte également que 140 lits en soins intensifs et 130 respirateurs, qui sont pour l’instant suffisants assurent les autorités.
Le taux de mortalité s’est lui aussi envolé. Plus de 60 % des quelque 180 décès enregistrés depuis le début de la pandémie l’ont été au cours de ces deux derniers mois. « Décembre correspond traditionnellement à l’arrivée de la grippe saisonnière au Rwanda. Donc nous pensons que la population confond les symptômes de la grippe avec ceux du coronavirus et tarde à se rendre dans les centres de santé. Parfois, lorsque les patients arrivent, ils sont déjà à un stade sévère de la maladie », explique Julien Niyingabira. Pas question pour l’instant de parler de nouveaux variants, car le pays n’est pas encore en capacité de les détecter.
Les espoirs d’une sortie de crise se portent donc sur les vaccins. Les autorités annoncent leur arrivée d’ici au mois de mars, mais se refusent à donner plus de précisions sur d’éventuelles négociations bilatérales avec les fabricants. Le Rwanda aurait déjà commandé un million de doses du vaccin de Pfizer-BioNTech dans le cadre de l’initiative Covax, un mécanisme piloté par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et visant à donner accès aux vaccins aux pays les plus pauvres. La campagne de vaccination devrait se dérouler sur deux ans.
En attendant, les autorités ont récemment reçu 18 000 des doses de Favipiravir, un médicament produit au Japon qui serait efficace dans le traitement du coronavirus et comptent sur la population pour freiner les contaminations. Comme lors du premier confinement, de nombreux policiers quadrillent étroitement Kigali. Désormais, les habitants de la capitale doivent demander une autorisation par SMS à la police pour sortir de chez eux, que ce soit pour aller faire des courses ou se rendre à la banque.
Les personnes arrêtées lors de fêtes organisées illégalement sont exhibées devant les médias pour l’exemple, et leurs noms et photos sont publiés sur le site Internet de la police, tandis que ceux qui ne respectent pas les mesures ou les gestes barrières risquent toujours d’être détenus plusieurs heures dans des stades.
A Nyamirambo, les jeunes se sont faits tant bien que mal à cette nouvelle manière de vivre. « Tu as juste envie de respirer. Tu veux faire une pause alors tu mets ton masque sous le menton et, hop !, ils t’embarquent. Mais c’est la loi, donc on ne peut rien y faire », lance Dewitt, 28 ans, avouant avoir déjà été emmené « plein de fois » au stade.
Notre série « L’Afrique face à sa deuxième vague »
Relativement épargnée pendant la première phase de la pandémie de Covid-19, l’Afrique fait face à une accélération des cas qui engorge les systèmes de santé d’un certain nombre de pays du continent.
Le 21 janvier, John Nkengasong, le directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), a évoqué un « retournement » en cours alors que le taux de mortalité en Afrique, qui représente officiellement 2,5 % des cas recensés dans le monde, dépasse désormais la moyenne mondiale qui est 2,2 %.
Du Sénégal au Ghana, de la Tunisie au Zimbabwe, Le Monde Afrique fait le point sur la situation sanitaire dans une série de pays du continent pour mieux saisir les caractéristiques de cette seconde vague que John Nkengasong appelle à « combattre âprement ».
L’article Covid-19 : malgré un contrôle strict, le Rwanda commence à se faire déborder est apparu en premier sur zimo news.